Rencontre. Avec plus de 15 millions de followers sur son compte twitter, le pape François est un des hommes les plus suivis de la planète. Si un post de Sa Sainteté fait bouger les choses, que dire alors d’une bulle ? À suivre.
Propos recueillis par Magali Germain.
A ses yeux, Internet est « un don de Dieu ». Le chef spirituel des catholiques vit avec son temps. C’est le dirigeant le plus retweeté au monde. En 2016, le pape argentin met l’accent sur la miséricorde. À l’occasion d’une année sainte extraordinaire, l’homme en blanc a publié une bulle d’indiction c’est-à-dire une lettre pour ouvrir le jubilé de la miséricorde. (Explications à partir d’extraits disponibles sur www.vatican.va)
Très saint père, pourquoi avez-vous eu l’idée de faire de 2016 une année sainte extraordinaire et un jubilé de la miséricorde ?
Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même. Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est bien autre chose.
« Dieu ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous »
Qu’entendez-vous par miséricorde ?
Nul ne peut imposer une limite à l’amour de Dieu qui pardonne. Laissons nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous.
Qui peut en bénéficier ?
Toutes les personnes – vraiment toutes – sont importantes aux yeux de Dieu. Je voudrais qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. Il est toujours prêt à écouter. Il suffit d’accueillir l’appel à la conversion et de se soumettre à la justice, tandis que l’Église offre la miséricorde.
La foi est-elle réservée à quelques privilégiés ?
La foi n’est pas un don privé. La foi est à partager avec joie.
Parmi tant d’événements aberrants, quel est le sens de la vie ?
Quand tout s’écroule, seule cette espérance soutient : Dieu nous aime, il aime tout le monde ! Au milieu de beaucoup de problèmes, même graves, ne perdons pas l’espérance en l’infinie miséricorde de Dieu. Notre vie n’est pas un vagabondage qui n’a pas de sens. Nous avons un but sûr : la maison du Père.
La miséricorde ne discrédite-t-elle pas la justice ?
Il ne s’agit pas de deux aspects contradictoires, mais de deux dimensions d’une unique réalité qui se développe progressivement jusqu’à atteindre son sommet dans la plénitude de l’amour. La justice est un concept fondamental pour la société civile. La justice veut que chacun reçoive ce qui lui est dû. La miséricorde n’est pas contraire à la justice, mais illustre le comportement de Dieu envers le pécheur, lui offrant une nouvelle possibilité de se repentir, de se convertir et de croire. Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu. La justice de Dieu est la miséricorde accordée à tous comme une grâce venant de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ. La Croix du Christ est donc le jugement de Dieu sur chacun de nous et sur le monde, puisqu’elle nous donne la certitude de l’amour et de la vie nouvelle.
Comment expliquez-vous la mort imméritée du Christ, un innocent ?
L’Amour miséricordieux de Dieu a pris sur lui tout le mal du monde pour nous libérer de sa domination. C’est comme si son visage défiguré nous disait : Aie confiance, ne perds pas l’espérance ; la force de l’amour de Dieu, la force du Ressuscité vainc tout.
Que demandez-vous quand vous priez ?
Que le monde retrouve la capacité de pleurer pour ses crimes, pour ce qu’il fait avec les guerres.
Faut-il pardonner ?
Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne courage pour regarder l’avenir avec espérance.
Le thème de la miséricorde répond-il aux nombreuses crises sanitaires, humanitaires, écologiques ?
Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité.
Et concrètement ?
La prédication de Jésus nous dresse le tableau. Vivons-nous, oui ou non, comme ses disciples ? Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pêcheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
Santità, votre dernier mot ?
La miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute-puissance de Dieu. La miséricorde de Dieu est sans fin. N’oublions pas les paroles de saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour. »