Traverser le deuil anténatal

6 novembre 2017

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Deuil. Perdre un bébé pendant la grossesse est un deuil méconnu et peu reconnu. Il est pourtant immense et lourd de conséquences s’il n’est pas ou mal pris en charge. Par Catherine Radet.

Le deuil, et en particulier celui du tout-petit, est tout sauf un petit deuil, véritable traversée de l’impossible. Si le deuil anténatal a en commun toute la violence et le caractère intolérable des morts d’enfants, il a aussi des spécificités qui en font une démarche singulière très différente. Sa complexité toute particulière vient de ce que, la plupart du temps, les personnes n’ont même pas conscience d’avoir à traverser un deuil ; ni elles, ni leur entourage. La méconnaissance immense de l’enfant in utero concerne la société tout entière, ce qui entraîne un cercle vicieux de banalisation et d’enfermement des personnes concernées dans le silence. N’oublions pas que la mort anténatale englobe toutes les pertes embryonnaires et fœtales et touche de ce fait, pratiquement une femme sur quatre en moyenne.

La mère, première concernée

Le fait que la mort de l’enfant à naître survienne « dans la mère » peut être d’une violence inouïe pour celle qui devait transmettre la vie. Certaines femmes vivent comme un cauchemar de « devenir un tombeau au lieu du berceau naturel attendu ». Le sentiment de culpabilité est important dans un cheminement de deuil, et se majore dans certaines circonstances, comme par exemple les IMG (interruptions médicales de grossesse) : au sentiment d’une faute imaginaire, cause de tout (l’événement, la malformation, etc.), s’ajoute la faute d’avoir provoqué activement la mort de l’enfant (avec la « complicité » de médecins). Des troubles psychologiques plus ou moins graves peuvent affecter les femmes, même parfois longtemps après. Les grossesses suivantes ne sont jamais anodines, toutes marquées par l’angoisse. C’est parfois au soir d’une vie qu’on découvre un deuil non résolu masqué qui a été à l’origine de toute une cascade de conséquences psychologiques. Le silence, c’est souvent le grand coupable ! Que peuvent comprendre les autres personnes de cette existence invisible, de cet être éphémère, légendaire peut-être, dont le sillon de vie restera à jamais marqué seulement au creux des entrailles maternelles ?

Le père et le couple

Le père vit souvent un conflit également complexe, il doit gérer son propre sentiment d’impuissance, tant par rapport à l’événement que par rapport à sa femme et à cette grossesse sur laquelle il n’a aucune prise physique. Il se le reproche volontiers. Il essaie le plus souvent de tourner rapidement la page. Le deuil est pour lui avant tout l’arrêt brutal d’un projet d’avenir, une perte de filiation et de sa nouvelle identification de père. Il se réfugie souvent à l’extérieur dans le travail. Les relations conjugales sont soumises à rude épreuve, car l’homme et la femme n’évoluent évidemment pas au même rythme et n’expriment pas leurs souffrances de la même façon. S’ensuivent des malentendus qui compliquent le deuil.

Les autres enfants

Les conséquences sur les enfants, plus insidieuses et parfois durables gagnent à être connues pour mieux être prévenues : modifications de l’humeur, sentiment de culpabilité, troubles physiques ou psychiques à plus ou moins long terme, allant jusqu’à altérer leur vie d’adulte, sont notés par de nombreux professionnels de la santé.

Le but de l’accompagnement

Trois facteurs habituellement reconnus comme nécessaire à une évolution favorable de deuil sont pratiquement absents : le corps, souvent donné à la science, le rituel et le soutien social. Tout cela risque de contribuer à bloquer l’évolution du deuil dans le déni et le silence. La première étape d’un deuil est d’acquérir une représentation mentale du défunt juste et réelle, avant d’entrer dans la symbolisation puis le souvenir. Or comment se représenter correctement un bébé non né qu’on n’a jamais vu autrement que par le prisme de son imagination et son bagage socioculturel ? L’accompagnement consiste bien souvent d’abord en une restauration d’une représentation « humanisée » pour faire connaissance de son propre bébé, progressivement, et ce, même des années après si besoin est.

Catherine Radet

Catherine Radet est médecin pédiatre et membre du Comité d’aide à la réflexion éthique du Centre hospitalier de Cholet. Elle a mené une enquête sur le deuil anténatal pendant plus de dix ans.

2 clés pour faire le deuil de son bébé

1. Accepter d’entrer dans un processus de deuil.

Le deuil est une évolution en trois phases : la première est une succession d’émotions négatives (choc, colère, tristesse), comme un mouvement de descente, puis une seconde phase dite de remontée (lueurs d’espérance, de reprise des activités) évoluant enfin vers la troisième phase, un nouvel équilibre de vie dont le terme retenu est celui de « deuil résolu ». Mais il est très difficile de dire avec précision, au jour le jour, à quel stade d’un deuil se situe l’endeuillé. Consentir à entrer dans ce tunnel, c’est consentir à accueillir ses émotions, sa propre vulnérabilité et ne pas fuir sa souffrance. La sortie vers la lumière, le bout du tunnel est à ce prix. Un paradoxe pas facile à comprendre en effet de prime abord, le réflexe naturel étant la négation de la réalité des faits. D’où l’importance d’être bien accompagné !

2. La reconnaissance de l’histoire de cet enfant.

Parvenir à dire au revoir à son bébé signifie qu’il a fallu tout un chemin de réconciliation avec l’entourage, avec soi-même pour poser cet acte de reconnaissance de l’identité du petit disparu. C’est tout un chemin d’humanité qui donne ou redonne le sens de la vie de cet enfant, de ses parents, de leur histoire relue sans jugement. La présentation « humanisée » de l’enfant décédé à la naissance – comme le serait celle d’un enfant décédé après la naissance – le prénom, les modalités administratives de déclaration, le rituel funéraire, etc. sont autant de manières de faire qui ont pour but d’établir la place de cet enfant dans la famille, une place qui ne sera prise par aucun autre enfant ultérieurement, une place qui ne doit être ni escamotée, ni passée sous silence, ni exagérée, ni exacerbée. Cette place, c’est son histoire, son existence, sa vie, la seule façon de restaurer son humanité et donc sa personnalité.

Pour aller plus loin :

Je n’ai pas dit au revoir à mon bébé. Comprendre et traverser le deuil anténatal. Catherine Radet, Quasar, 2017
Un enfant pour l’éternité. Isabelle de Mézerac, Éditions du Rocher, 2004
Spama, association de soins palliatifs et accompagnement en maternité : spama.asso.fr

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