STÉPHANE BERN : LE PAIR DE FRANCE

26 décembre 2019

01 Christian Aschman

Journaliste, animateur télé, écrivain, défenseur passionné du patrimoine, on ne présente plus Stéphane Bern. Cette « personnalité préférée des Français » est actuellement sur les planches et vient de signer deux ouvrages. Rencontre authentique avec un homme à l’enthousiasme communicatif et la générosité exceptionnelle.

PROPOS RECUEILLIS PAR IRIS BRIDIER

Vous avez choisi de rendre hommage aux femmes dans votre tout dernier tome de Secrets d’Histoire, pourquoi ? L’histoire est souvent écrite par les hommes qui oublient le rôle des femmes ! J’ai voulu les replacer au cœur de l’histoire de l’humanité, car sans elles nous ne serions rien. Pas même en vie. De fait, les femmes sont moins attachées à inscrire leur nom au fronton des monuments qu’à agir concrètement pour faire avancer la société et changer le cours de l’histoire. « À côté de tous les grands hommes, on trouve une femme aimée. L’amour est le soleil du génie » disait le poète Schiller.

Elles sont « mère, sœur, épouse, amante, muse, mécène, alliée politique… » Qu’ont-elles en commun ? Les femmes, d’une manière générale, sans doute parce qu’elles donnent la vie, s’attachent moins à l’apparence du pouvoir et à ses attributs qu’à la réalité concrète de l’action sur le terrain. Elles sont sans doute plus pragmatiques et plus attentives au résultat qu’au chemin pour y parvenir. Je suis frappé du décalage entre le rôle joué par les femmes, un rôle que les hommes qui les entourent reconnaissent volontiers, et le silence assourdissant dont l’histoire les gratifie en remer- ciement.

Passionné d’histoire, vous êtes également fervent défenseur du patrimoine. Pourquoi est-ce si important de sauver des vieilles pierres ? Sauver les vieilles pierres c’est nous sauver nous- mêmes car quand les langues se taisent, les pierres parlent encore (Luc 19, 40. Ndlr). Elles portent la mémoire de l’humanité, l’identité des hommes, le souvenir des générations passées, autant qu’elles sont un gage pour l’avenir car elles nous inscrivent dans la durée et dans le grand mouvement de l’histoire. Le patrimoine hérité du passé est autant dans les villes que dans les campagnes, c’est donc un facteur d’égalité entre les zones urbaines et rurales.

Vous dites que ce combat a donné un sens à votre vie, lequel ? La défense du patrimoine en péril est une cause nationale qui me permet tout à la fois d’agir en accord avec mes convictions profondes et de servir mon pays. Avec le Loto du Patrimoine, la Mission Bern a déjà sauvé quelque 150 monuments en deux ans. Pour une fois, dans ma vie, j’ai le sentiment d’être utile. Car, avouons-le, même si mes émissions de radio et de télévision sont à vocation culturelle, je ne sauve pas de vie comme un médecin ou un chercheur.

La défense du patrimoine est-elle un moyen de se réconcilier avec l’identité chrétienne de la France ? La défense du patrimoine est, d’une manière générale, une manière de nous réconcilier avec notre Histoire et notre passé. Or, je le dis souvent, ce serait une erreur de nier l’héritage judéo-chrétien de la France. C’est une réalité. Dans chaque village de France, il y a une église. Souvent, cette église est à restaurer, quand elle n’est pas à sauver de la destruction. Je crois que l’incendie de Notre-Dame est un coup de semonce que nous devons tous entendre. Plus jamais ça ! Nous devons sauver le patrimoine religieux de notre pays, non seulement les majestueuses cathédrales, mais aussi les petites églises de nos villages qui racontent notre histoire millénaire, fortement imprégnée par la foi chrétienne.

Quelle place occupe la spiritualité dans votre vie ? Le mystère de la vie ne cesse de m’interpel- ler et de me passionner. Élevé dans les valeurs de respect et de tolérance, je dirais qu’à défaut d’avoir une pratique religieuse, j’ai une soif de sacré dans ma vie. Je vais vous faire une confession intime : vivre au collège royal et militaire de Thiron-Gardais, mitoyen de l’abbatiale quasi millénaire de « l’ordre de Tiron » a renforcé une conviction. Il faut être fidèle à l’esprit des lieux, les respecter, et continuer à les faire vivre car rien n’est pire que l’oubli. Sans doute est-ce pour cela que je me suis engagé cette année en faveur de l’abbaye de Sénanque et qu’en 2020 je veux aider par ma mission l’abbaye de Lagrasse. Si j’osais, je dirais qu’auprès de cette communauté monastique, j’ai été touché par Lagrasse…

« Le mystère de la vie ne cesse de m’interpeller »

Est-ce votre empathie qui fait de vous une des personnalités préférées des Français ? Je n’ai pas de mérite, j’ai été éduqué avec ces valeurs de res- pect d’autrui. Je n’oublie pas que l’autre est un autre nous-même… J’aime les gens, c’est tout, d’où qu’ils viennent, et j’ai été élevé pour me sentir aussi à l’aise avec mes semblables dans la rue qu’avec les « grands » de ce monde. En revanche, vivre en par- tie à la campagne a changé mon regard sur la France rurale. J’aime charnellement la terre de notre beau pays et je suis attaché à la vie de nos villages où existent encore la solidarité du voisinage, la courtoisie, le bonheur de vivre ensemble. Quant au secret de l’affection que me portent les Français, je ne saurais vous répondre. Peut-être parce que je fais mon travail sérieusement, sans jamais me prendre au sérieux. Surtout, j’estime que j’ai davantage de devoirs envers mes compatriotes, du fait de cette notoriété, que de droits.

Avez-vous des ennemis ? Certaines personnes, je le sais, ne m’aiment guère, ou me méprisent. J’espère ne pas trop leur gâcher la vie ! Je m’épargne cette perte de temps de nourrir des sentiments négatifs envers qui que ce soit. Et j’aime ce mot de Bossuet, dans une oraison funèbre : « Nos vrais ennemis sont en nous- mêmes. »

Vous ne voulez pas « coûter un centime à l’État. » Que vous confère cette indépendance ? Ma mission est une mission bénévole, je paye mes frais et mes déplacements, je n’ai ni bureau, ni secrétariat payés par le contribuable. C’est une règle d’éthique. Cela me donne aussi une plus grande liberté, celle de dire ce que je pense sans entraves, et de pouvoir pousser des coups de gueule, comme je l’ai fait récemment et à plusieurs reprises lors d’arbitrages budgétaires défavorables au patrimoine. Je ne suis pas aux ordres. La liberté n’a pas de prix. Je dois rendre des comptes de ma mission au Chef de l’État qui me l’a confiée et aux Français qui m’ont fait confiance en participant deux années de suite au Loto du Patrimoine.

Selon vous, faut-il tenter un « geste architectural » pour Notre-Dame de Paris ? Soyons directs : la loi exige que l’on restaure un monument abîmé dans son dernier état connu et surtout dans le respect de son classement. Pourquoi l’État s’affranchirait- il des règles qu’il impose à tous les détenteurs d’un monument historique classé ou protégé ? Si la chapelle Sixtine – à Dieu ne plaise – connaissait un tel drame, se poserait-on la question de com- mettre un geste architectural contemporain, forcément sacrilège ? Il faut restaurer Notre-Dame de Paris à l’identique, comme elle était classée, avec sa flèche de Viollet-le-Duc, quitte à laisser le coq cabossé et miraculeusement retrouvé dans une vitrine dans la cathédrale, comme un stigmate du drame du 15 avril, et lui substituer un coq contemporain. Je fais confiance au Général Geor- gelin et au Ministère de la Culture pour entendre cette voix qui est aussi celle des nombreux mécènes, riches ou modestes, qui se sont mobilisés.

Que demanderait à Dieu le journaliste que vous êtes, si vous deviez le rencontrer ? La mort ne m’effraye pas. D’ailleurs le spectacle que je joue en ce moment (voir encadré, Ndlr), ne parle que des dernières paroles de femmes et hommes illustres… Toute ma vie, je n’aurais eu qu’une seule ligne directrice : être fidèle à mes rêves d’enfants et ne rien faire dont j’aurais à rougir si ma chère mère, disparue trop tôt il y a presque trente ans, me voyait. Je demanderais à Dieu de me pardonner si j’ai pu faire du mal à qui que ce soit, car je n’ai jamais eu le désir de nuire à quiconque. Je lui demanderais aussi de protéger la France – surtout de ses propres démons – et, si j’osais, comme je suis aussi Luxembourgeois, de bénir « ma » famille grand-ducale.

SES LIVRES

Secrets d’Histoire 9, Albin Michel, 2019, 352 p., 25 € et Sauvons notre patrimoine, Plon, 2019, 240 p., 17 €.

SON ACTU

Vous n’aurez pas le dernier mot de Diane Ducret, au Théâtre du Palais-Royal à Paris, tous les lundis du 13 janvier au 23 mars à 20h. Plus d’infos : theatrepalaisroyal.com

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