SARDOU ET HUMBLE DE CŒUR

1 juin 2023

Romain Sardou à Paris le 21 dec 2022

Reconnu pour la qualité de ses romans historiques, l’écrivain innove avec Je t’aime (XO Éditions), un roman original qui fait revivre l’amour courtois au XXIe siècle.

PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEU

Au XXIe siècle, vous croyez encore en l’amour ?

Plus que jamais ! On peut avoir des moments de doute ou de recul – ça vaut pour la foi aussi – mais après il y a la Providence. Une rencontre peut permettre en deux secondes de croire à nouveau en l’amour ! Pour moi, l’amour est un sentiment de complétude, un peu comme l’allégorie de l’être coupé en deux chez Platon : tomber amoureux, c’est retrouver sa propre moitié. J’aime bien cette idée d’union, d’être deux, car, en fait, tout seul, on n’arrive à rien et il nous manque toujours quelqu’un.

Chez les chrétiens, le plus haut degré de l’amour, c’est le don de sa vie…

J’y crois beaucoup. Depuis la sortie du roman, j’ai donné des conférences et participé à des tables rondes où j’ai rencontré de nombreux lecteurs. Il y a un consensus : l’amour est la dernière chose qui reste pour laquelle on serait prêt à perdre notre vie. Jadis, on bravait la mort pour la patrie, l’honneur… Aujourd’hui, seul l’amour serait une cause juste pour donner sa vie, ce qui démontre toute la force et la prégnance de ce sentiment.

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même », nous rapporte l’évangéliste Matthieu (22, 37-40)…

C’est vrai. Pour moi, il n’y a pas de degrés dans l’amour : on ne va quand même pas aimer soi plus que l’autre ou l’inverse ! Au contraire, je crois qu’il y a une égalité absolue dans le sentiment amoureux, sans aucune hiérarchie. Cela me fait songer à la phrase de saint Augustin : « La mesure d’aimer Dieu, c’est Dieu même ; la mesure de cet amour, c’est de l’aimer sans mesure. » Au ive siècle comme aujourd’hui, cela demeure : aimer l’autre, c’est l’aimer sans mesure !

Vous parlez beaucoup et avez beaucoup écrit sur la période historique du Moyen Âge. Comment en êtes-vous tombé… amoureux ?

Je le dois au hasard de mes lectures d’enfance. Comme les histoires de Walter Scott que j’ai lues autour de 13 ans. Cela m’a donné à la fois le goût de l’histoire, du roman et du Moyen Âge. Un vrai plaisir ! Après, comme j’étais curieux, je suis allé rechercher des informations sur les époques où se déroulaient ces romans. Avec Quentin Durward, par exemple, l’action se passe au temps de Louis XI. Une fois le livre fini, je suis allé chercher dans la bibliothèque familiale une biographie de Louis XI. Là, j’ai lu que ce roi était lié à Charles VII. Donc je me suis informé à propos Charles VII qui était lui-même lié à Jeanne d’Arc. Donc j’ai lu des textes sur la Pucelle d’Orléans, etc. La curiosité historique, c’est comme tirer sur le fil d’une pelote infinie. Un fil que je tire depuis l’âge de 13 ans !

Pourquoi cette attirance pour le XIIIe siècle ?

Thomas d’Aquin, Albert le Grand ou encore Siger de Brabant sont des hommes que j’admire. Intellectuellement, je suis époustouflé par leur travail qui a réussi à rendre compatibles la philosophie aristotélicienne et la foi chrétienne. Une épreuve, un défi intellectuel fascinant réalisé en quelques années. Notre civilisation leur doit beaucoup ! Ces hommes ont fait intégrer dans l’Occident médiéval, puis dans la Renaissance, des réflexions philosophiques qui ont fait progresser la pensée humaine bien qu’elles n’aient rien à voir directement avec la Révélation chrétienne. On peut même avancer que, d’une certaine manière, Descartes naît dans les réflexions de cette époque-là.

Parlez-vous de ce genre de sujets à vos enfants ?

Ils ont 19, 17 et 14 ans et nous n’en parlons pas tant que ça. À l’âge du dernier, ces thèmes et réflexions m’intéressaient mais c’était déjà singulier. Je ne pense pas qu’il soit obligatoire de faire comme moi. C’est vraiment une question de personnalité, de goût… Aujourd’hui, avec mes enfants, je peux quand même partager mon intérêt pour certains livres et certains auteurs, et c’est très agréable.

Cette quête historico-culturelle a-t-elle eu des conséquences sur votre vie de foi ?

Oui, sûrement. Pour autant, c’est plutôt par le biais de Pascal que j’ai trouvé la foi chrétienne. C’est plus la fascination de Port-Royal et des Jansénistes qui m’a amené à me questionner sur la religion en général et ma foi en particulier. J’avais 16 ou 17 ans. Je me suis alors aperçu que j’étais croyant. Baptisé assez tard, vers 7 ou 8 ans, mon catéchisme a été plutôt léger. Et, dans ma famille, la foi n’a jamais été le sujet principal des conversations. Mais nous n’étions pas contre non plus, c’était très ouvert : chacun était libre de penser son truc.

C’est en lisant Pascal, dans la collection abrégée des petits Larousse avec commentaires de texte, que j’ai été forcé de m’interroger et de constater qu’en fin de compte, j’étais tout à fait croyant. L’Histoire Sainte et le message biblique me parlaient parfaitement. Nombre de choses que j’avais pu lire ou entendre depuis mon enfance ont pris sens dès ce moment. Je me suis ensuite plongé, avec gourmandise, dans les Pensées de Pascal, L’Histoire Sainte de Daniel-Rops puis les Évangiles et l’Ancien testament…

Selon vous, qu’est-ce qu’être chrétien en 2023 ?

Faire de son mieux. Essayer de respecter le minimum de ce que nous enseigne cette religion. Essayer de prendre un peu de distance par rapport aux choses. Ne pas croire qu’il n’existe que la matière ! En écoutant les gens, je trouve qu’ils parlent assez facilement de Dieu ou de Jésus mais ils oublient toujours la personne du Saint-Esprit. Pourtant, c’est celle que je trouve la plus accessible aujourd’hui pour le grand public. Je veux dire à tous ces gens qui sont sensibles aux énergies, aux vibrations… que c’est le Saint-Esprit cette énergie, il n’y a pas autre chose !

Vous n’hésitez pas à dire que vous êtes catholique ? Beaucoup le taisent pourtant…

Oui mais cela ne va pas durer indéfiniment. Selon moi, les chrétiens ne devraient pas s’accabler de la culpabilité de 2000 ans d’histoire. Cela les rend pusillanimes. Oui, autour de moi, beaucoup s’excusent d’être chrétiens ou n’osent pas le dire. Bon, je les comprends quand même car on leur renvoie aussi tôt un discours très accusatoire qui mêle Inquisition, prêtres pédophiles, abus spirituel et compagnie. Mais ces accusations font beaucoup d’amalgames ! Alors, pour l’instant, une majorité se tait et fait le dos rond. Il y a sans doute un temps où il faut faire profil bas mais après, cela reviendra.

Dans notre monde actuel, des personnes ne croient plus beaucoup au beau ou au bon dont vous parlez dans vos livres. Que leur dites-vous ?

Mais comment peut-on dire cela ? Si l’on regarde autour de soi, on voit nombre de personnes qui aident les autres en permanence ! On voit ce que l’on a envie de voir, en fait. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de désespérance mais, en revanche, je sais qu’il y a un discours de la désespérance. C’est facile. Moi, je suis né optimiste. Je ne sais pas pourquoi mais c’est comme ça… Il en va de même pour la foi : des gens me demandent comment je fais pour être croyant aujourd’hui, avec les guerres, la maladie, l’injustice… Je leur réponds alors que, pour ma part, je vois Dieu partout et tout le temps ! Dès qu’il y a quelque chose de beau, quelqu’un de gentil : il est là ! Oui, c’est vrai, certains commettent le pire et on ne parle plus que de cela dans les médias mais, pour autant, on ne peut oublier tout le reste, la majorité qui fait le bien, avec des petits gestes gratuits, discrets et nombreux !

Comment nourrissez-vous ce regard plein d’espérance et de tendresse sur notre monde ?

Avec beaucoup de prière, tout au long de la journée. Sans rituel particulier. À des moments clés comme avant de travailler ou, tout d’un coup, comme ça, spontanément. Je prends la prière comme un moyen de remercier. Je rentre dans les églises qui sont sur mon chemin, autour de chez moi ou en vacances, avec beaucoup de gratitude.

ALLER PLUS LOIN

SON LIVRE

Je t’aime : Quand Camille (elle) rencontre Camille (lui)… Un véritable conte de fées contemporain se déroulant au cœur de Paris, de nos jours et pourtant, toutes ces histoires d’amour ont été écrites aux Xie et XIIe siècles… L’auteur a puisé son inspiration dans les romans d’amour courtois et autres contes médiévaux pour brosser un portrait tendre et lucide des nouveaux rapports amoureux.

 XO Éditions, 2023, 336 pages, 20,90 €

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