Bien-être. S’accorder chaque jour au moins quatre petits plaisirs, cela paraît si facile que l’intention fait sourire. Et pourtant… Un grand nombre de personnes n’arrivent même pas à en dresser la liste ! Or le plaisir nous recharge en énergie, calme, permet de guérir, redonne de la joie…
Propos recueillis par Émilie Pourbaix
Un profond bien-être modifie notre relation à nous-mêmes et à notre environnement. Le plus souvent, ce bien-être est suscité par des choses simples vécues pleinement et appréciées dans l’instant présent. Les plaisirs quotidiens que l’on s’offre (au nombre de quatre, huit, voire dix, selon les tempéraments et les possibilités du jour) ont une répercussion incroyable : ils ont des effets positifs sur notre santé physique, notre équilibre, notre ouverture et notre capacité à entrer avec autrui dans une communication authentique. Ils suscitent un état de joie et de paix intérieures qui est contagieux et ils transforment aussi bien l’individu que son entourage.
Comment faire ?
La méthode des « quatre plaisirs par jour au minimum » est une ordonnance à suivre pendant une à deux années afin qu’elle devienne une habitude. On établit d’abord une liste de 25 à 30 plaisirs personnels dans lesquels on puisera ensuite ses quatre plaisirs par jour au minimum (on peut bien entendu s’en offrir dix ou vingt ou plus encore) en pensant aux questions « quand ? », « où ? », et « avec qui ? » les réaliser. Ces questions sont essentielles, car elles permettent aux « plaisirs » et aux projets de prendre forme et à l’individu de les concrétiser. Ils ne doivent pas en effet rester dans le rêve, mais être vécus dans la réalité.
De plus, cette liste devra être affichée dans un endroit où l’on pourra la visualiser quotidiennement, afin de ne pas l’oublier dans les périodes de stress ou de chagrin. Lorsque le corps a pris l’habitude de recevoir du bien-être quotidiennement, quatre, cinq ou même dix fois par jour, il ne l’oublie pas et se sent en manque quand ce n’est plus le cas. Mais ce n’est pas en deux semaines ou même en un mois que cette habitude s’installera.
Il s’agit d’un contrat à passer avec soi-même qui permet d’habiter son corps et de s’ancrer dans l’instant présent. Apprendre à capter un sourire, apprécier l’éclosion des fleurs d’un arbre au printemps, le mouvement et la transparence d’une feuille au vent, le pas rythmé d’un danseur, le son cadencé des sabots des chevaux sur le pavé, le tintement des cloches en bronze, le parfum enivrant de fleurs comme les lys ou le jasmin, la volupté d’une rose qui s’ouvre et s’épanouit. La sensation optimale du bien-être passe par les cinq sens.
Un moment de plénitude
Le plaisir correspond à un état d’éveil qui nous focalise sur ce qui nous fait du bien et fait naître le calme. Il est différent pour chacun de nous. Il se cherche, se conquiert, se construit, et il enrichit la personne d’un « mieux-être ». Il n’est pas un état permanent, mais un moment transitoire de plénitude qui peut surgir et resurgir n’importe où et n’importe quand, à condition de le provoquer et de savoir « y entrer ». Il est inséparable du désir qui lui donne naissance et s’épuise avec lui. Le plaisir qui fait vivre est celui que l’on prend le temps de savourer et qui est souvent fait de choses simples. Il n’est pas celui qui fait ignorer l’autre ou le fait souffrir. Il se définit comme une reprise de soi permettant de se réalimenter en énergie, de se détendre grâce à une sensation de bien-être et de sourire à l’autre.
Dans cet ordre d’idées, s’accorder des plaisirs, loin d’être une fin en soi, est un moyen de s’aimer mieux ; et s’aimer mieux, c’est se rendre capable d’accueillir autrui dans un amour authentique. Il ne faut pas confondre un égoïsme narcissique, qui fait vivre l’individu en circuit fermé avec lui-même ou à l’intérieur de la famille, avec le fait de prendre soin de soi, ce qui nous ressource en énergie et en vitalité, afin de pouvoir ensuite aider autrui avec joie et bienveillance.
L’instant présent
Être dans le plaisir, c’est être dans la vie et dans la joie en appréciant consciemment l’instant présent. Le plaisir que j’évoque ici est celui qui dépend de nos sensations et dans lequel il faut prendre le temps de s’installer pleinement. Cela passe par l’intermédiaire de nos cinq sens. Nous en faisons l’expérience en marchant dans la nature, en allant au cinéma ou au marché, en dégustant un mets savoureux ou en nous asseyant à une terrasse de café, lorsque nous nous apercevons que nos sens, petit à petit, se réveillent et que notre respiration, jusqu’alors haute et courte, s’amplifie. Il est courant, en effet, que nous bloquions notre respiration en laissant les nœuds et les blocages s’installer partout dans notre corps. Les moments relaxants et calmes nous permettent d’ouvrir notre cage thoracique, de retrouver une respiration abdominale ample et, dans le même temps, de nous éveiller à notre environnement. Nous prenons, dans ces instants, conscience de la lumière, des bruits et des autres personnes. Les odeurs, les couleurs réapparaissent comme par magie. Les émotions qui naissent alors ont d’autant plus de chance d’être paisibles qu’elles se situent dans le moment présent.
Recherche de perfection
Se priver de bien-être et de plaisir à cause d’une recherche de perfection, pour ne rien abîmer ni salir, est malheureusement courant. Pensons à toutes les cheminées vides parce que les feux de bois salissent, ou à tous ces services de verres magnifiques, à ces plats raffinés en faïence ou en porcelaine, rangés dans les placards afin qu’ils ne se brisent pas, et qui sont souvent remplacés par des assiettes ébréchées et des verres à moutarde. Pourtant, une table bien mise apporte de la joie et une sensation de fête ; un feu de bois réchauffe le corps et le cœur, il éveille tous nos sens et les aiguise.
TÉMOIGNAGE : « La chaise la moins confortable »
Sébastien, 29 ans, me consulte pour une orientation professionnelle, car il ne trouve pas de travail et fait un petit boulot qui ne lui plaît pas.
Il arrive, timide, contrit, si triste et si sérieux qu’aucun sourire n’apparaît lors de ce premier entretien durant lequel il choisit de s’asseoir sur le bord de la chaise la moins confortable. Il décrit son mal-être et son terrain dépressif. Il n’écoute pas son corps, a peur des responsabilités et n’a aucune confiance en lui. Ses tests de personnalité montrent pourtant un potentiel riche de capacités non exprimées, bloquées par le manque de motivations stimulantes. La peur du jugement des autres l’empêche de s’investir dans un emploi. Nous travaillons sur la liste des plaisirs et sur le fait de se mettre en « référence interne », c’est-à-dire de sentir ce qui est le mieux pour soi. Je lui dis qu’il doit sentir cela avec son corps et lui suggère de faire du théâtre. Lorsqu’il revient me voir, Sébastien s’est inscrit à un stage au cours Florent. « Il faut casser les barrières que je me mets », dit-il. Puis il déclare : « J’ai envie de m’installer plus confortablement » et choisit cette fois-ci un fauteuil. Nous nous revoyons trois semaines plus tard après son stage. Il arrive transformé en disant : « J’y ai pris beaucoup de plaisir, cela correspondait à mes objectifs. » Quelque chose s’est ouvert en lui, comme si les boutons qui le comprimaient avaient sauté. Il a reçu durant cette période deux appels pour des entretiens d’embauche qui se sont bien déroulés.
Psychologue et coach spécialisée dans l’accompagnement de personnes lors d’une difficulté passagère ou d’une réorientation de vie. Elle est l’auteur de Quatre plaisirs par jour, au minimum ! Les bienfaits du plaisir sur
le corps et l’esprit, Petite Bibliothèque Payot, 2009.
Cinq clés pour : Faire du plaisir un allié
Apprendre à s’offrir chaque jour quelques plaisirs peut transformer notre vie. Comment faire ?
1. Écouter de la musique. L’influence du son sur nos émotions est une expérience que nous pouvons faire quotidiennement. La musique religieuse ou sacrée (cantiques, hymnes, negro-spiritual, gospel) oblige à s’immerger dans l’instant présent, apporte la paix et élève l’âme. Il suffit d’écouter les chants grégoriens pour ressentir les vibrations répercutées par les voûtes d’une cathédrale, sentir nos centres d’énergie rechargés par le pouvoir régénérateur du son, et résonner en accord avec notre environnement.
2. Gérer son stress. Il est important de prendre conscience du stress que nous vivons et d’apprendre à le gérer en fonction de nos besoins et de nos possibilités. Souvent le stress nous fait oublier ce qui nous fait du bien et nous détend. C’est pourquoi, plus notre situation est difficile à vivre, plus l’ordonnance des « quatre plaisirs par jour au minimum » devient indispensable, et moins nous devons nous imposer de frustrations. Il est important de prendre soin de soi et de son corps, et de se ressourcer, afin de pouvoir faire face à de telles situations de stress.
3. Associer plaisir et valeurs. La qualité de notre plaisir est intensifiée lorsque celui-ci est associé à une de nos valeurs. Nos valeurs constituent notre colonne vertébrale. Le plaisir ressenti sera d’autant plus grand qu’il aura été lié à une valeur, telle que l’amitié, et c’est pourquoi, par exemple, manger une pâtisserie apportera moins de satisfaction que de communiquer ou, pourrait-on dire, de « communier » avec un ami qui nous est cher, un époux ou un enfant.
4. Ne pas s’épuiser pour aider. S’octroyer des plaisirs nous régénère et nous permet de nous occuper des autres avec une attitude authentiquement positive et souriante, et donc de ne pas nous épuiser à aider, comme ce peut être le cas pour certaines personnes détenant des rôles d’aides, comme les infirmières, assistantes sociales, médecins, professeurs.
5. Préparer ses vieux jours. « Il faut soigner le corps pour que l’âme s’y plaise », dit saint Augustin. Conserver une curiosité intellectuelle et relationnelle, un appétit d’apprendre et de communiquer, retarde le vieillissement. Contrairement à ce que les scientifiques ont longtemps cru, le cerveau adulte fabrique de nouveaux neurones pour s’adapter à des modifications environnementales. « L’état psychologique joue un rôle majeur, souligne Maurice Tubiana. Le vieillissement est d’autant plus retardé si l’on a confiance en soi, si l’on se sent utile, capable d’aider les autres et heureux d’être aidé par eux. » Il est bénéfique de prendre conscience que nos attitudes positives et négatives influencent profondément notre corps. Dans cette troisième phase de vie, des possibilités fantastiques s’ouvrent à nous, à condition d’anticiper cette nouvelle étape et de décider de rester actif et engagé dans la vie, dans ce qui nous fait plaisir, nous rend positif et joyeux.