QUAND LA PENSÉE S’EMBALLE

17 septembre 2024

« Il n’y a pas deux zèbres identiques ». On pense souvent que le Haut Potentiel Intellectuel (HPI) est une tête pleine qui va nous déballer sa science sans tact. Détrompez-vous ! Derrière les résultats des tests de quotient intellectuel (QI) se cachent des êtres hypersensibles, souvent embarrassés par une pensée en arborescence et un flux d’idées qui file à 1 000 à l’heure. Découverte de ces êtres singuliers avec Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, psychothérapeute et spécialiste du sujet.

PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD FILLIOL ET ANTOINE LEMAIRE

 

HP, HPI, HPE, ZEBRE. Pouvez-vous nous expliquer ces termes ? Que signifient-ils ?

C’est vrai qu’aujourd’hui, on emploie des tas de qualificatifs. HPI est un mot à la mode propulsé par la série télé du même nom. Mais tous ces termes veulent dire la même chose et sont synonymes. Il y a HPI pour Haut Potentiel Intellectuel. Avant, on disait simplement Haut Potentiel. On parlait de précocité. Quand on se met à parler d’adulte précoce, c’est un peu ridicule. Le terme le plus ancien, c’est surdoué. On l’a abandonné parce que « surdoué » avait une connotation supérieure. « Zèbre », c’est moi qui l’ai introduit par concours de circonstance dans mon premier livre sur l’enfance « surdouée ». Le zèbre est un animal qui se distingue dans la savane. J’ai appris que les rayures du zèbre sont toujours uniques, comme chaque enfant. Même si on reconnaît des caractéristiques communes, il n’y a pas deux zèbres identiques, il n’y a pas deux êtres humains identiques, il n’y a pas deux histoires identiques, il n’y a pas deux personnalités identiques.

Pour revenir à la terminologie, parce que c’est important, tous ces termes sont synonymes et désignent une frange de la population, que ce soient des enfants, des ados, des adultes, etc. qui se situent au-dessus de la normale des compétences intellectuelles. Cela concerne 2,3% de la population. L’intelligence ne se mesure pas, ce n’est pas comme la taille. On ne mesure pas 180 d’intelligence, on ne pèse pas 20 kilos d’intelligence. C’est une mesure, un score relatif qui permet de comparer l’intelligence de quelqu’un face à une série de tâches différentes. Ce qui permet d’évaluer plusieurs fonctionnements de l’intelligence. Les fameux tests de QI (Quotient Intellectuel) vont permettre d’établir une courbe de Gauss, un peu comme le boa qui a mangé l’éléphant dans Le Petit Prince. Au milieu, dans le gros de la courbe, il y a 68% de la population qui a un score d’intelligence compris entre 85 et 115. Si on s’éloigne vers la gauche, on a une intelligence plutôt faible, entre 70 et 85. Très à gauche, en-dessous de 70, on a toute la population de la déficience mentale (2,3% : exactement le même pourcentage qu’on va retrouver de l’autre côté de la courbe). A droite, de 115 à 130, on est dans l’intelligence brillante, supérieure déjà, qui concerne 14% de la population. Et à partir de 130, on est dans une forme d’intelligence à haut potentiel (2,3%).

Et le HPE (Haut Potentiel Emotionnel), on le met où ?

Alors le HPE, ça n’existe pas officiellement ! Ce n’est pas une catégorie clinique, psychologique, il n’y a aucune validation pour ça. C’est une sorte de catégorie de population dans laquelle se reconnaissent des personnes qui ont une grande affectivité, qui mettent des émotions au premier plan de leur fonctionnement de vie.

Être HPI ou zèbre, est-ce une pathologie, un trouble, une particularité, une capacité ?

Non, ce n’est pas un trouble ni une pathologie. C’est une singularité de fonctionnement qui va colorer l’ensemble de la personnalité. Quand vous avez une intelligence intense, vous passez votre vie à capter des informations, à faire des liens entre différents éléments, à décoder des micro signes. On pourrait dire que c’est être perméable à des signaux faibles que les autres ne percevraient pas. C’est faire des liens entre ceci et cela, c’est se connecter à des informations, des connaissances, des compétences qui sont déjà intégrées dans la mémoire à long terme et qui vont s’activer rapidement. Chez les personnes HP, la mémoire est plus importante. Les souvenirs viennent s’imbriquer dans l’instant présent.

Que peut-on dire de l’hypersensibilité, souvent liée au haut potentiel intellectuel ?

De nombreux travaux de recherches en neurobiologie, notamment ceux d’António Damásio, montrent que sans émotions, on ne peut pas activer notre intelligence. Notre intelligence serait comme une espèce d’intelligence artificielle qui tournerait à vide, qui résoudrait des problèmes, des équations, mais qui ne pourrait, par exemple, jamais décider. Il y a aussi toute cette part émotionnelle qui fait que plus on est intelligent, plus les émotions vont participer de notre façon de fonctionner, d’être en relation, d’aimer, de travailler, d’être en lien. Dans la sensibilité, il y a une question de seuil d’excitation des sens. Certains vont avoir des sensations olfactives décuplées, tandis que d’autres auront des perceptions auditives envahissantes. À l’école, par exemple, ce sont des enfants qui ont besoin d’être devant parce que s’ils sont derrière, il y a le brouhaha de la classe, les bruits extérieurs, les stylos qui grattent, etc. Cela peut devenir très perturbant.

L’autre part de la sensibilité, c’est notre perception des évènements. Tout ce qui est lié à l’affect, l’émotionnel. Aujourd’hui, on ne désolidarise plus l’intelligence cognitive, analytique, de l’intelligence émotionnelle. En psychologie, on parle de compétences émotionnelles, c’est-à-dire la capacité à identifier les émotions, les repérer, comprendre leurs messages et les réguler, chez soi et chez les autres.

Souvent, on retrouve chez les profils à haut potentiel, des capacités d’empathie importantes, des capacités de repérer les émotions des autres. C’est à double tranchant car ils peuvent être envahi par les émotions des autres. Il y a une forme de porosité où on est tellement touchés par la vie de l’autre que la réalité est embrouillée. Cela fait aussi partie des compétences émotionnelles : apprendre et s’entraîner à bien repérer ses propres émotions et pouvoir repérer mes émotions et celles de l’autre qui ne m’appartiennent pas.
La frontière est assez fine entre la capacité de comprendre, d’analyser, de ressentir, et la capacité de percevoir. Capacités qui font partie de cette compétence formidable qu’est l’intelligence.

Pouvez-vous nous parler du fonctionnement en arborescence ?

Beaucoup de travaux scientifiques et de recherches ont été faits. En particulier avec les IRM fonctionnelles, qui permettent de voir le cerveau travailler en direct. Ces travaux valident un fonctionnement du cerveau différent chez les hauts potentiels par rapport à la population habituelle. On voit qu’il y a une différence entre nos deux hémisphères cérébraux, le gauche et le droit. Le cerveau gauche est plutôt dédié à toutes les compétences, langagières, cognitives, analytiques. Et le cerveau droit est plutôt dédié à tout ce qui est vision globale, esthétique, affective. C’est une description assez grossière car en réalité les deux hémisphères sont très connectés. Et ils sont connectés grâce au corps caleux. Les scientifiques ont repéré une densité plus importante du corps caleux dans le cerveau des hauts potentiels. Cela veut dire que leur cerveau est « hyper connecté ». C’est le cas également au niveau du cortex préfrontal. Ce siège des fonctions exécutives agit comme un chef d’orchestre dans notre cerveau. Il coordonne les informations, ana[1]lyse, repère etc.

Chez les hauts potentiels, il circule beaucoup plus vite grâce à une voie pariéto-frontale qui est plus solide. Le système nerveux analyse plus vite et conduit instantanément à des associations d’idées extrêmement rapides vont en permanence se dédoubler. C’est un cerveau qui fonctionne à l’image de l’arborescence d’un arbre, avec ses branches qui se déploient.Une arborescence de pensée et des associations d’idées ne sont pas un problème. Une seule règle : au moment de la bifurcation, visualisez et mettez un drapeau rouge qui permettra de retrouver le chemin !

Peut-il y avoir des troubles associés chez quelqu’un qui a un tempérament susceptible, anxieux, narcissique, justement parce que le cerveau fonctionne plus vite ?

La haute intelligence protège dans la majorité des cas. Plus on est intelligent, plus on a des capacités de flexibilité et d’adaptation. Plus on a une intelligence élevée, moins on a de risque de développer des pathologies. Mais en même temps, sur une personnalité fragilisée par la vie (carence affective, traumatisme, environnement familial et culturel…), la haute intelligence peut faire flamber, à certains moments, des vulnérabilités personnelles que l’on a dans sa propre construction psychologique.

En théorie, l’intelligence est un facteur protecteur. En pratique, on voit bien ces associations entre la haute intelligence et le fait d’avoir toujours l’impression que les autres disent du mal de soi ou n’importe quoi d’autre.

Pourquoi certains enfants à haut potentiel ont-ils des problèmes scolaires ?

Des enfants peuvent rencontrer des problèmes scolaires pour des raisons évidentes. D’abord, ils peuvent se sentir en décalage. Ce sentiment se produit avec les copains dans les cours de récréation. Certains peuvent avoir des difficultés à tisser des liens amicaux parce qu’ils ont des sujets de conversation différents. Ensuite, il peut y avoir un décalage au niveau scolaire. Lorsque l’enfant comprend en une fois ce que dit la maîtresse et qu’elle le répète dix fois, parce que c’est le principe de la maîtresse de répéter, répéter, cela peut vite grignoter son énergie vitale. Il y a parfois des enfants à Haut Potentiel qui se lèvent à des moments inappropriés parce qu’ils sont dans leur monde. Tout cela peut amener à un désintéressement scolaire. Il est important de veiller à l’accordance entre le niveau de complexité et le niveau de compétence.

Peut-on offrir quelques solutions pour calmer le mental tourbillonnant des hauts potentiels intellectuels ?

La méditation, la reconnexion des sens pour éviter de trop partir dans ses pensées : se rendre compte que l’on est assis sur une chaise, les points de contact de son corps sur la chaise sur laquelle on est assis, le vent qui passe, les sons qui m’entourent… C’est revenir au corps et aux sensations, se relier aux sensations pour s’ancrer, se sentir présent. Se concentrer sur sa respiration, tout cela permet de calmer un mental bouillonnant.

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