La maladie fait peur, pour soi-même et pour ses proches. On voudrait la fuir. Et pourtant, toute personne qui souffre a besoin d’un proche qui l’écoute et lui parle simplement, d’une présence qui redonne la paix. Reportage à l’hôpital Foch ou Anne-Marie Ledhernez soulage les cœurs.
TEXTE ET PHOTOS PAR ANTOINE LEMAIRE
Quand on entre dans l’enceinte de l’hôpital Foch, on l’aperçoit tout de suite. Pourtant, elle est discrète. C’est une petite porte en bois toujours entrouverte. Au-dessus, on peut lire le mot « Chapelle », surplombé d’une croix bleue épurée. L’ensemble forme comme une invitation très simple. C’est presque un petit geste qui dirait «je suis là si tu as besoin de moi ». Dès qu’on pousse la porte, on est saisi par l’odeur d’un encens au parfum apaisant. Ce mercredi midi, deux infirmières sont là, devant l’autel, et récitent un chapelet avec discrétion. Autur d’elles s’agitent des petites bougies, curieuses, dont les flammes sont remplacées par des LED, et qui vacillent tranquillement. Anne-Marie Ledhernez, la responsable de l’aumônerie catholique de Foch, referme la petite porte et ouvre celle qui se trouve juste à côté. Là, dans une pièce chaleureusement décorée malgré ses murs blancs, elle a installé son bureau. C’est ici qu’elle planifie ses visites et qu’elle effectue ses permanences. Si un malade, ses proches ou un soignant veulent parler à un représentant du culte, on leur conseille d’aller toquer à cette porte. Quand Anne-Marie ou un des trois bénévoles qui l’aident sont là, celui qui les cherche trouvera une oreille attentive. Sinon, il faudra qu’il parte à la recherche de l’aumônier à travers l’hôpital. « Je suis très souvent au chevet de patients. Dès qu’on m’appelle, je me rends dans la chambre concernée. Je suis sur le pont 24h sur 24 », précise Anne-Marie avec un grand sourire.
Une, présence apaisante
Réconforter oui, mais comment ? La mission semble impossible dans un hôpital ou les maux se font concurrence. Pas de grand discours, c’est une présence bienveillante qui réconforte les malades : « Une présence est beaucoup de chose » confie Anne-Marie. « Le sourire des aumôniers, leur gentillesse apportent une énergie supplémentaire, ils sont d’une grande importance », reconnaît Micheline, responsable du service international de Foch, où sont accueillis tous les patients sans sécurité sociale. Dans son service, les personnes hospitalisées sont à majorité musulmane. Elle peut trop rarement demander les services de l’aumônier catholique. Mais dans les épreuves, une relation forte s’est tissée avec Anne-Marie, qu’elle prend dans les bras quand elle la croise dans les couloirs.
A l’accueil de l’hôpital, c’est la même chose. Nadia [le prénom a été changé] voit passer des centaines de personnes tous les jours. Dans son métier où le contact humain est très fréquent mais toujours fugace, elle apprécie toujours les moments où les aumôniers s’arrêtent à son bureau pour discuter quelques minutes : « Ils sont chaleureux et humains, toujours à l’écoute quand ils viennent nous voir. Leur présence est essentielle pour les patients qui souhaitent se recueillir ».
Laïcité des établissements publics oblige, l’aumônier de l’hôpital Foch n’a pas le droit porte faire du « porte à porte » afin de se manifester aux patients. Pour se faire connaître, il a cette fameuse chapelle, et son existence est mentionnée dans le livret du patient et par plusieurs affiches dans les couloirs. Malheureusement, de nombreuses personnes hospitalisées ne sont pas au courant de l’existence de l’aumônerie. « Je croise beaucoup de malades qui sont angoissés, qui ont peur de la mort. Quand c’est le cas, je les oriente vers l’aumônerie et leur donne le numéro d’Anne-Marie », explique Ilda, qui se trouve à l’accueil du 4ème étage, au service des greffes. Cette femme d’origine portugaise est catholique. Elle ne s’étonne plus de croiser des patients qui paraissent plus sereins une fois qu’ils ont vu un représentant du culte. En plus d’une présence, l’aumônier porte une espérance : « Au début, les gens me disent qu’ils ne croient en rien, et finalement ils se réjouissent d’avoir eu oreille attentive à leur détresse. Ils se sentent libérés. Cette aumônerie a de l’impact ! »
A l’étage d’Ilda, un peu plus loin dans un couloir équipé de machines complexes, se trouve la chambre de Régine. Cette femme de 60 ans vient d’être greffée d’un poumon. Elle accueille Anne-Marie avec un sourire douloureux mais content. Malgré son essoufflement elle se livre sur ce que lui apporte l’aumônerie : « les bénévoles nous parlent de tout, prennent des nouvelles de notre santé, ça fait du bien mentalement, et physiquement ! ».
Les relations sont simples, sans fioritures. Cette grand-mère de cinq petits-enfants annonce à Anne-Marie que le lendemain sera l’anniversaire de son mari, qui viendra la visiter pour l’occasion. L’aumônier se réjouit et s’engage à préparer un gâteau et des bougies pour en faire une petite fête. « Demain, je recevrai également la communion » ajoute la patiente avec un autre sourire. Un peu plus loin, une femme dont le mari est en soins palliatifs note l’importance d’Anne-Marie qui « vient souvent pour tenir la main, ce que les médecins n’ont pas forcément le temps de faire.»
Des signes tangibles
Ce métier que je fais est gratifiant et me conforte dans ma foi. Je vis des moments de grâce exceptionnels. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas triste », livre Anne-Marie Ledhernez avec un regard apaisé. A son arrivée à l’hôpital Foch, l’aumônerie était à l’abandon. Aujourd’hui, c’est un maillon essentiel des lieux, et Anne-Marie y est employée à temps plein. « Quand on fait cette mission, on a beaucoup de signes tangibles de l’existence de Dieu. Et on sent qu’il est avec nous » conclut-elle.





