Débat. Voyance, divination, astrologie, horoscope, guérisseurs, magnétiseurs, spiritisme, radiesthésie, pendule, magie, reiki… Le monde du paranormal fascine. Toutes ces disciplines sont-elles bonnes à utiliser ou faut-il s’en méfier ?
Débat entre Lili Sans-Gêne et Père Joseph-Marie Verlinde
1 J’ai peur de l’avenir : je préfère savoir ce qui va m’arriver. Une petite visite chez une astrologue ou un médium, de temps en temps, pour me lire les lignes de la main, me tirer les cartes ou m’expliquer ce que prévoit mon horoscope : je ne vois vraiment pas où est le mal.
Seriez-vous donc demeurée prisonnière d’une conception déterministe, où nous ne serions que des marionnettes entre les mains d’un destin aveugle, inexorable (le fatum latin, la moïra grecque) auquel même les dieux sont soumis ? Le christianisme nous a pourtant libérés de ce genre de superstition, en nous révélant notre dignité de créatures libres, créées à l’image de Dieu. Certes mon corps – comme tout corps matériel d’ailleurs – subit l’influence des astres, et par ce biais ces derniers peuvent influencer mes affections sensibles (liées aux cinq sens et au corps). Mais mon intelligence, ma volonté, ma liberté sont des facultés spirituelles ; et en tant que telles, elles échappent totalement à la loi de gravitation : aucun conditionnement astronomique ou astrologique ne peut influencer mes décisions. Rien n’est « écrit », ni dans les astres, ni dans les lignes de ma main, ni dans le marc de café : j’ai le pouvoir et la vocation d’être l’artisan responsable de mon devenir.
2 Ma grand-mère est morte et je l’aimais beaucoup. J’ai besoin de temps en temps d’entrer en communication avec elle, de lui poser des questions sur l’histoire de ma famille… Pour ça, une petite séance de spiritisme, ça n’a rien de méchant : on fait juste tourner les tables ou bouger des verres. En plus, ça marche ! On a toujours fait ça dans ma famille et j’ai plein d’amis qui le font aussi, même des cathos.
Il est tout à fait légitime de garder la mémoire de nos défunts : il serait inhumain d’interdire de nous souvenir d’eux ou de nous adresser à eux comme nous le faisions lorsqu’ils étaient encore avec nous. Mais pourquoi passer par des intermédiaires aussi douteux que les esprits ? Savez-vous que toutes les traditions, qu’elles soient hindoue, bouddhiste, musulmane ou juive, mettent engarde contre la fréquentation des esprits qui interviennent dans ces séances ? J’espère du moins que vous n’êtes plus à ce point candide pour croire que ce sont nos défunts qui viennent nous tenir la conversation en faisant sauter le guéridon? Ils ont fort heureusement bien autre chose à faire, et surtout à contempler, eux qui poursuivent leur route vers la Lumière !
3 Je ne vois pas en quoi tout cela serait contradictoire avec la foi, puisque mon objectif est d’entrer en contact avec le monde invisible, celui dont parle la foi justement.
Le contenu de la foi est déterminé par la Révélation divine ; or on ne compte plus les condamnations du spiritisme aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Les Pères de l’Église (saints docteurs des cinq premiers siècles, dont la doctrine est devenue normative) et le Magistère (les papes et les évêques) ont confirmé ce discernement : ceux qui interviennent lors des séances de spiritisme ne sont autres que les démons. Je suis donc obligé de vous contredire : participer à ce genre de réunion est bel et bien incompatible avec la foi ! En revanche, il y a un lieu pour rencontrer nos défunts : à chaque messe, le Seigneur convoque toute son Église, c’est-à-dire tous les croyants : vivants et morts. Le Corps du Christ auquel nous communions est son Corps total : nous entrons en communion avec Christ-Tête et avec tous ceux qui lui sont unis, les saints et les défunts morts dans la foi.
4 Vous voyez le mal partout ! Par exemple, il y a quelques années, j’ai eu des problèmes de santé. Je suis allée voir un magnétiseur. Eh bien, c’est incroyable, il m’a guérie totalement, sans avoir besoin de médicaments. Je ne sais pas comment il a fait ça, mais pour moi, c’est le résultat qui compte ! Même quand je ne pouvais pas aller le voir, il me soignait à distance grâce à une photo. C’est un don de la nature, donc c’est forcément une bonne chose.
Je constate que même s’il vous a« guérie totalement », vous avez néanmoins dû le consulter à plusieurs reprises, au point de lui laisser votre photo ; c’est plus simple lorsqu’on a besoin de retourner souvent en consultation ! Allons, réveillez-vous : si vous étiez obligée de consulter votre médecin traitant toutes les semaines, le bon sens ne vous imposerait-il pas de changer de toubib ? Les « magnétiseurs» comme vous les appelez – on parle plutôt aujourd’hui d’« énergéticiens» – ne guérissent pas, mais, en agissant sur les énergies occultes, ils déplacent les symptômes. Votre témoignage confirme que c’est un excellent moyen pour garder sa clientèle ! L’ennui, c’est qu’à force de les déplacer, les symptômes atteignent des organes de plus en plus importants, voire vitaux…
5 Mon père, lui, est allé voir un jour un radiesthésiste. Eh bien ! C’est extraordinaire: à l’aide d’un pendule, il lui a dit exactement quel était son problème de santé et quel médicament il devait prendre. Et tout s’est révélé juste. Vous voyez bien que ces gens-là mettent leurs dons au service du bien.
Vous faites décidément bien partie de notre culture post-moderne qui ne se trouble pas de ses incohérences : vous essayez de me convaincre rationnellement de la licéité de techniques irrationnelles! Vous savez bien qu’il n’y a aucune explication scientifique à la radiesthésie, que l’on désigne d’ailleurs comme un « don » – je dirais plutôt un« pouvoir » occulte. Comme, par définition, l’occulte est le domaine qui échappe à toute vérification scientifique, nous sommes dans l’ordre de la croyance. Vous « croyez » que la radiesthésie est inoffensive ; je « crois » sur la base de l’expérience acquise, qu’il s’agit d’un pouvoir occulte impliquant lancollaboration avec les fameux « esprits »dont nous avons déjà parlé dans notre échange sur le spiritisme. Vu la nature de ces esprits, vous comprendrez que je préfère éviter de m’adresser à quelqu’un qui collabore avec eux.
6 Enfin, quand même, avec vous on dirait qu’on ne peut même pas faire une petite séance de reiki, ouvrir ses chakras ! Tout ça, c’est anodin. Je ne vous parle pas de magie noire, quand même ! Ce sont des énergies positives auxquelles on fait appel, ça ne peut pas être dangereux, je vous assure. Ça n’est pas du satanisme !
Si je prends la définition de l’occultisme que donnent aussi bien Helena Petrovna Blavatsky (éminence grise de l’occultisme) qu’Eliphas Lévi (l’occultiste français le plus connu – Benjamin Constant de son vrai nom), il s’agit de l’utilisation des forces occultes dans lebut de transformer la nature, les événements et les personnes, avec comme fin ultime « l’acquisition de l’omniscience et de l’omnipotence divines »(sic). Excusez du peu ! Vous aurez remarqué que nos auteurs ne font pas de différence entre magie blanche (qui vise à faire le « bien ») et magie noire ou sorcellerie (qui vise à faire le « mal ») – et pour cause : dans les deux cas, ce sont les mêmes techniques, faisant appel aux mêmes esprits diaboliques (vous parlez de « satanisme » : question de terminologie ; mais il n’y a pas que les satanistes qui font appel aux démons !). Le « bien » réalisé par ces esprits peu fréquentables n’est qu’apparent– comme la disparition des symptômes qui ressurgissent à un autre endroit dans le cas du magnétisme. Quant au reiki, vous n’êtes pas sans savoir, j’espère, que cette technique initiatique fait appel explicitement aux esprits dont nous avons déjà abondamment parlé. Gare aux dégâts !
Père Joseph-Marie Verlinde
Ce docteur en chimie nucléaire a décidément tout fait : longs séjours dans un ashram de l’Himalaya ; initié à l’ésotéro-occultisme : un véritable adepte du Nouvel Âge ! Mais le Seigneur voyait les choses autrement : Il en fera son disciple (prêtre et moine de Saint-Joseph) et son témoin.
Pour aller plus loin :
L’expérience interdite, Joseph-Marie Verlinde, Saint-Paul, 2006 + DVD
100 questions sur les nouvelles religiosités, Joseph-Marie Verlinde, Saint-Paul, 2002