Les chrétiens, indifférents à l’écologie ?

13 mai 2014

Nicole Echivard

Débat. La préservation de la planète est un sujet d’actualité récurrent. Pourtant, les chrétiens donnent parfois l’impression qu’ils ne s’intéressent pas aux questions liées à l’écologie et à la sauvegarde de la planète. À tort ou à raison?

Le débat entre  et Lili Sans-Gêne et Nicole Echivard

 

1. Les religions proclament le caractère sacré de la Création, mais ne s’offusquent pas beaucoup de sa profanation par l’homme. Pour vous ce n’est pas grave, puisqu’on n’est ici que «de passage». C’est pour cela qu’au fond, les chrétiens ne s’intéressent pas à l’écologie, c’est secondaire pour eux.

« Pour nous », c’est grave ! Adore-t-on le Créateur quand on saccage la Création – cette « première Bible », disaient les Anciens – qui le révèle, qu’il a voulue, qu’il a dite « très bonne », et qu’il a assumée quand il s’est fait « chair » ? Aime-t-on son prochain ou soi-même quand on violente jusqu’à l’extinction le corps humain, et des êtres naturels grâce auxquels l’homme existe depuis le cœur de ses cellules, et dont il a besoin pour se développer physiquement, psychiquement, spirituellement ? Quand Jésus dit : « Le ciel et la terre passeront », il n’enjoint pas aux chrétiens de les faire passer plus vite ! Il veut plutôt nous libérer des pulsions angoissées qui nous font croire à un vain « salut » par la prédation imprudente et inégalitaire, au détriment d’un usufruit de la terre convivial et harmonieux. Le « Royaume des Cieux » ne sera pas un paradis d’individualisme, mais la réconciliation du créé, sa communion en Dieu. Faire ici-bas l’apprentissage de l’amour bienveillant pour toute créature (de l’embryon aux peuples indigènes, de « l’ennemi » à la biodiversité), c’est s’y préparer avec cohérence.

2. Dans la Bible, Dieu a donné la nature à l’homme pour qu’il la domine, la soumette et s’en serve selon ses besoins et ses désirs, comme si elle était sa propriété privée: votre Dieu n’est pas très écolo, dis donc!

Le Dieu dont tu parles, Lili, n’est pas celui de la Bible ! Il faut relire le premier chapitre de la Genèse, voir que tous les êtres sont des « paroles » du Créateur, destinées à le révéler ; tous, de ce fait, proclamés « bons » par lui et appelés à se perpétuer. Ces êtres, Dieu les donne les uns aux autres, et pas seulement à l’homme. Leur « bonté » vient justement de leurs services mutuels, et c’est leur ensemble qui est dit « très bon ». Les verbes « dominer » et « soumettre » sont précisés dans le deuxième chapitre par « nommer », « cultiver » et « garder » : ils signifient « gouverner ». Gouverner, ce n’est pas imposer une force arbitraire, ni abuser. C’est connaître, et la nature diversifiée des êtres, et leurs interactions vitales, pour coopérer à leur bien commun.

3. Le christianisme est centré sur l’homme: la nature est un objet. Pour les chrétiens, l’homme est le «petit chef» de l’univers!

 Ah non ! le christianisme n’est pas centré sur l’homme, mais sur le Christ (Ep 1, 10 ; 2 Co 6, 15 ; Col 1, 13-20) : c’est lui que la Bible proclame « chef de l’Univers » ! Par son Incarnation, il est devenu la « Tête » de son « Corps », l’Univers, qu’il est venu « sauver », arracher à la division et à la corruption (Rm 8, 19-22). C’est en recevant du Christ l’Esprit de sagesse et d’amour, humblement, et non en menant contre ses semblables et contre la nature lutte ou compétition désastreuses, que l’homme peut coopérer avec Dieu au « salut du monde », qui implique le sien. Car depuis bien des siècles, ce n’est plus d’abord la nature qui menace l’homme, mais l’homme pécheur qui menace à la fois la nature et l’homme par son désir de toute-puissance économique et technologique, sa prétention à remplacer Dieu, à redéfinir et à remodeler la nature et l’homme. La question écologique est d’abord une question spirituelle.

4. En tout cas, personne dans l’Église n’a écrit sur la grandeur de la nature, l’importance d’en prendre soin… L’Église est en retard!

Dans mon livre, je cite tous ces familiers de Dieu qui, par leur expérience spirituelle d’une Création solidaire, fraternelle, habitée par Dieu, furent des précurseurs de l’écologie. Je cite Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, le patriarche orthodoxe Bartholomeos Ier et leurs exhortations à la « responsabilité écologique ». Pourquoi furent-ils si mal relayés ? Mais j’évoque aussi ces communautés, catholiques, orthodoxes, qui, comme la nôtre, perçoivent la cohérence entre l’Évangile et l’écologie cosmique et humaine. Elles ont « choisi la vie » (Dt 30, 20) et l’amour intelligent et effectif pour le Créateur et la Création ; elles consacrent leur temps et leur attention à favoriser les lois du vivant : prière et gratitude, mise en commun des biens, des talents et des services, esprit de pauvreté et de chasteté, non-gaspillage et non-pollution, patience, agro-écologie…

5. Nous devrions changer notre manière de vivre pour protéger la nature, plutôt que de nous conduire comme de dangereux prédateurs.

Le 20 août 2013, l’humanité a épuisé son budget écologique terrestre de l’année. En 2003, c’était le 22 septembre. Nous vivons au-dessus de nos moyens écologiques. Un mode de « développement » voué au profit, qui surexploite, pollue, dégrade, détruit les richesses de la biosphère sans respecter ses limites, ses rythmes de renouvellement ni ses lois d’interdépendance, court au désastre. Je ne veux pas parler seulement de la maltraitance qui, par la chimie et la technologie, abuse des sols, des eaux, de l’air, du sous-sol, de la biodiversité, et qui perturbe le climat, la sécurité alimentaire, la santé et la fertilité humaines, la paix. Je pense aussi à l’exploitation des femmes, des enfants, des embryons, de nos propres corps, de certains peuples. Je parle avec douleur d’un massacre de la vie, de la beauté, de la générosité, de la sagesse du créé.

6. Toutes les espèces sont égales en droits et en valeur: l’homme est un animal comme les autres, il fait partie de l’écosystème, il n’est pas au-dessus de lui.

 « Égalité des espèces » ? C’est plus subtil ! Ce langage relève encore d’une vision éclatée des réalités naturelles. L’écologie comme science montre que tous les êtres en général et les terrestres en particulier apparaissent, subsistent, disparaissent par des associations et des interactions qui font d’eux comme les membres solidaires d’un vaste organisme. Dans un corps, dit saint Paul, « l’œil ne peut pas dire à la main: ‘’ Je n’ai pas besoin de toi ‘’ – ni la tête dire aux pieds: ‘’ Je n’ai pas besoin de vous ‘’. Même les membres qui semblent plus faibles sont nécessaires. » Il ne s’agit pas d’égalité, mais de diversités solidaires. Chacun doit tenir son rôle. Dans la biosphère limitée, son intelligence appelle l’être humain à la responsabilité : comprendre les lois du vivant et y coopérer en vue d’un bien qui ne sera réel pour lui que s’il passe par celui des autres êtres. C’est alors qu’il montre sa « supériorité » propre.

7. Nous sommes trop nombreux sur cette terre: la surpopulation épuise la nature. Il faut vite réduire la démographie.

 Se poser la question du « nombre », c’est penser en responsable. Le nombre importe dans une famille, si l’on cherche le meilleur bien des personnes et de l’ensemble. Mais les moyens pour réguler le nombre importent tout autant. Est-il écologique de mépriser le corps féminin, en lui imposant chaque mois des hormones, comme s’il était malade ou mal fait ? Est-il écologique que ces hormones se répandent dans la nature, avec l’urine, quand on sait les dégâts qu’elles y provoquent ? Choisir une régulation des naissances qui respecte le cycle naturel féminin de fertilité/infertilité, c’est une attitude plus écolo, libre et responsable !

Nicole Échivard a fondé une communauté catholique de consacrés de type contemplatif : le Foyer Marie Jean. Elle est l’auteur d¹un plaidoyer chrétien pour l’écologie : Vert comme l’Espérance, Éd. Médiaspaul, 2012. Le Foyer propose une session d’écologie cosmique et humaine, avec divers intervenants, du 2 au 4 mai 2014. Foyer Marie Jean, Maison de la Source d’Eau Vive, 07690 Saint-Julien-Vocance. 04 75 34 73 11 www.foyermariejean.fr

Aller plus loin :

VERT COMME L’ESPERANCE, Nicole Échivard, Médiaspaul, 2012

SI TU VEUX CONSTRUIRE LA PAIX, PROTEGE LA CREATION, Benoît XVI, Message pour la Journée de la paix 2010

NATURE ET SPIRITUALITE, J. – M. Pelt, Livre de Poche, 2008

 

 

FAIRE UN PAS DE PLUS

avec Découvrir Dieu

Posez-nous toutes vos questions de foi. Des personnes se tiennent disponibles pour dialoguer avec vous.

Vous souhaitez échanger avec un chrétien ou confier une intention de prière.

Trouvez une église dans votre région ou votre ville.

recevez un encouragement par semaine avec souffle

Souffle est une newsletter proposée par découvrir dieu

Vous aimez lire

Renseignez votre adresse email ci-dessous
Vous recevrez ainsi chaque mois L’1visible gratuitement dans votre boîte mail