CE POUVOIR DE DONNER LA VIE
« La vie est un don de Dieu. » Chaque femme qui met au monde un enfant vit sa maternité d’une manière qui lui est propre. Porter et donner la vie n’est ni simple ni sans embûches, mais procure des joies sans égale, presque divines… !
PAR ANTOINE LEMAIRE
Marie-Ange de Montesquieu est maman solo d’une petite fille. D’abord angoissée à l’idée d’avoir un enfant, elle accueille aujourd’hui avec sérénité les joies de la maternité et les surprises de la vie.
« Avant d’attendre un enfant, je ne me sentais pas du tout concernée par la maternité. C’était pour les autres et certainement pas pour moi. Je serais rentrée dans une catégorie qu’on appelle aujourd’hui les « no kids ». Je ne voulais pas de cette vie, être dépendante, empêchée par quoi que ce soit, et encore moins par un enfant ou un mari. Ceux qui se mariaient étaient pour moi les assoiffés de vie de famille – et je ne les jugeais pas – mais je ne me voyais pas du tout là-dedans. Je me disais « la vie est une fête ». Je voulais continuer à passer des vacances sympas avec mes amis, faire ce que je voulais, être indépendante. C’est peut-être le côté petite dernière… Et en même temps, aujourd’hui, je transmets à ma fille des tas de choses que j’ai reçues de mon héritage familial. J’ai toujours été la petite dernière, l’enfant. Je ne me voyais pas autrement qu’un enfant dans ma tête, même dans l’avenir. Et un enfant ne peut pas avoir d’enfants.
Aujourd’hui, je suis maman d’une petite fille. Je n’aurais jamais pu imaginer que ça m’apporte autant de force. Je n’avais jamais éprouvé ça. La maternité vous donne une espèce de pouvoir magique. C’est un peu comme le célèbre « I can do it ». Je suis beaucoup plus forte qu’avant physiquement et mentalement, je suis plus sûre de moi, j’ai l’impression d’être devenu une guerrière ! Je sens aussi que je peux accueillir beaucoup plus facilement les aléas de la vie. C’est ma découverte avec ma fille. Tout retombe sur ses pattes. La vie me fait comprendre que j’ai tort de m’en faire, de paniquer. J’ai réalisé que je pouvais être patiente, et organisée ! Ma maternité et ma fille m’ont fait petit à petit rencontrer le Jésus amour, celui de sainte Thérèse. La vie est un don de Dieu, je l’espère ! En tout cas, je suis maintenant persuadée que Dieu est gardien de ma vie ! J’aime une citation : « Le cœur d’une mère est le chef d’œuvre de la nature. » A la seconde où un enfant naît, on est complètement décentrée. En effet, une mère ne réfléchit pas avant de sauver son enfant. Ce côté généreux du don de la vie pour son enfant est vraiment magnifique ! »
Mère à 20 ans, Marie-Axelle Clermont a cinq enfants, dont deux sont au ciel. Aujourd’hui, elle rend grâce d’avoir pu recevoir la vie donnée par Dieu.
« J’ai toujours eu l’impression que j’étais appelée à être maman, que c’était ma vocation. Et d’ailleurs, je n’ai jamais eu trop de doutes sur le fait que je le serais un jour. Du fait de mon âge, je n’avais jamais non plus envisagé que je puisse ne pas porter la vie ou que je sois concernée par l’infertilité ou la stérilité. J’ai grandi avec un frère jumeau, donc j’ai toujours eu ce regard tendre et affectueux envers quelqu’un. Je pense que c’est de là qu’est née mon attention à l’autre et à mon prochain.
J’ai été maman très jeune. J’ai attendu mon premier enfant à 20 ans. Ce premier enfant, Gabriel, est mort durant ma grossesse. Et cette attente de la maternité a été blessée en moi puisqu’elle ne s’est pas terminée avec un bébé dans mes bras. Cette première fausse couche m’a fait prendre conscience que la maternité pouvait être blessée et pouvait aussi me blesser moi.
J’ai aussi réalisé que porter la vie n’est pas un dû, qu’elle était offerte, comme un cadeau.
Par la suite, j’ai perdu un deuxième enfant, Gaspard, qui est mort à 3 ans. Mais j’ai également eu 3 autres enfants qui sont en pleine forme. Quelque part, je suis heureuse de voir que j’étais capable d’amener des enfants à vivre certaines expériences. Je me suis aussi sentie en communion avec toutes ces femmes qui perdent un enfant. En communion également avec la Sainte Vierge dont le fils meurt sur la croix. Gabriel et Gaspard, aujourd’hui, je leur parle dans ma tête, je m’adresse à eux pour leur demander d’intercéder pour nous. Avec le temps, le deuil passe et on com[1]prend qu’on a des alliés au Ciel pour nous aider ici, sur la terre.
Aujourd’hui, je réalise que mes enfants me permettent d’être libre. Ils m’ont appris à me connaître moi-même, en testant mes limites. Grâce à eux, j’ai plus confiance en moi, je sais que je peux être une maman patiente et compréhensive. Je ne dis pas pour autant que toutes les femmes vivent cela, c’est ma vision de la maternité.
En tout cas, le fait d’être maman m’apporte une grande fierté. Non pas de l’orgueil, car j’ai compris que la vie était un don de Dieu. Mais je suis fière d’avoir pu donner cette vie.
LES ANTIGONES DE L’ÉVANGILE
Au cours des siècles passés, de nombreuses femmes se sont dressées contre l’injustice et l’oppression au nom de leur foi. Denis Lensel, journaliste et écrivain, raconte leurs histoires dans son dernier livre.
PAR ANTOINE LEMAIRE
Dans l’histoire, et particulièrement dans votre livre, les femmes semblent être des héroïnes de l’ombre, pourquoi ?
Face à différentes oppressions, leur combat nécessitait souvent d’agir dans la clandestinité. Et puis le rôle des femmes a longtemps été ignoré par la société et par les historiens, surtout dans le contexte des guerres. Mais ça change aujourd’hui…
Quels rôles précisément ont eu ces femmes dont vous parlez ?
Elles ont toujours défendu les opprimés au nom des valeurs de leur foi chrétienne. En Amazonie, Dorothy Stang, religieuse nord-américaine, est devenue l’avocate des paysans chassés de leurs terres. Elle a accompli sa mission jusqu’à devenir la cible de tueurs et mourir assassinée. Au Liban, Jocelyne Khoueiry a fait le sacrifice de sa jeunesse pour défendre son pays, les armes à la main, puis par un engagement spirituel et social. Elle a tout fait pour sauvegarder l’identité chrétienne du Liban. En Afrique, au Rwanda, malgré des menaces de mort, des religieuses sont volontairement restées au milieu de populations qui subissaient des génocides. Et elles ont été tuées… En Russie, Nadejda Mandelstam a sauvé les œuvres de son mari, un poète déporté pour avoir dénoncé la cruauté de Staline. Dans l’Allemagne nazie, Sophie Scholl s’est élevée avec ses compagnons contre la folie guerrière d’Hitler et contre l’extermination des handicapés mentaux. Ce sont des rôles variés qui mettent toujours en avant une forme de dévouement qui – à mon avis – est lié à leur dimension maternelle, même si ce n’est pas toujours une maternité physique.
Dans le cas de la lutte pour la liberté, pour la justice et pour la préservation de la foi chrétienne, quelles sont les qualités que l’on retrouve davantage chez les femmes ? En quoi le fait d’être femme leur a-t-il permis d’agir de cette façon ?
Elles sont capables d’une compassion agissante qui leur est propre. Il y a aussi une sorte de finesse spécifique aux femmes qui leur permet d’entrer en dialogue et de mieux négocier, même avec des oppresseurs et des bourreaux. Cela s’est vu dans le camp nazi de Ravensbrück, où Margarete Buber-Neumann et Milena Jesenska ont réussi à sauver des dizaines d’autres femmes à la vie menacée par un médecin SS perverti. Elles ont également une liberté de parole et une audace particulière : elles savent mieux protéger les plus faibles face à la violence. Leur courage se révèle alors dans toute sa force. D’ailleurs, à propos du respect de la vie qu’elles manifestent, Jean-Paul II avait dit à Lourdes en 2004 que « les femmes sont les sentinelles de l’invisible ». Je pense aussi à leur sens de l’organisation concrète : en Amazonie, par exemple, Dorothy Stang a créé un système d’aides sociales et matérielles pour les paysans qu’elle défendait.
Un des thèmes qui ressort de ces histoires que vous racontez est celui du sacrifice. Peut-on y voir un parallèle avec le Christ sacrifié pour sauver l’humanité ? Cette figure les a-t-elle inspiré ?
L’Evangile dit « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » et le Christ s’est sacrifié pour nous. Ce sacrifice du Christ, Sauveur de l’humanité, a sûrement inspiré ces femmes qui aimaient ceux qu’elles ont défendus.
Elles incarnent cette belle formule de Pascal : « le Christ est en agonie jusqu’à la fin du monde, il ne faut pas dormir pendant ce temps-là ». Ces femmes sont restées en éveil, alors que les apôtres s’étaient endormis lors de la nuit de Gethsémani. Elles ont reçu du Christ, grâce à leur foi, la force d’intervenir, d’interpeller les bourreaux, ainsi que la volonté de témoigner de la vérité.
Votre livre s’intitule Les Antigones de l’Evangile, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
On peut comparer ces femmes héroïques à l’Antigone de l’Antiquité, le personnage d’une tragédie grecque de Sophocle. Révoltée par l’interdiction du tyran Créon d’accorder une sépulture religieuse à un homme, elle s’y est opposée au nom des lois divines supérieures aux lois humaines. Antigone a défendu le caractère sacré de la vie dans la perspective de l’Au-delà. Les femmes que j’évoque ici lui ressemblent en cela. Dans la pièce antique, Antigone déclare « je ne suis pas née pour haïr mais pour aimer ». Quand le tyran lui demande pourquoi elle pense différemment des autres, elle répond : « d’autres pensent comme moi en secret, seulement moi, j’ose le dire ». L’Antigone de l’Antiquité est une dissidente en ce qu’elle montre sa différence, par son indépendance d’esprit. Mais c’est dans leur foi, dans l’Evangile, que les femmes dont je parle dans mon livre ont puisé la force de résister à l’oppression
FILLES DE ROI
« Merci à toi, femme, pour le seul fait d’être femme », disait saint Jean-Paul 2. Gwenaëlle Foillard a fondé Filles de roi pour réunir les femmes et les transformer dans un élan positif et missionnaire. Veillées de prières, rencontres lors de congrès et transformation personnelle sont à l’œuvre.
PAR ANNE-CLAIRE DÉSAUTARD-FILLIOL
Gwenaëlle Foillard est mère de 5 enfants et dirigeante de 3 entreprises. Elle a fondé Filles de roiqui permet aux femmes de se réunir pour prier ensemble et vivre des moments de partage uniques. Sa journée commence par une heure d’oraison, en compagnie de Dieu. Un temps pour offrir les évènements passés et futurs afin que les décisions ne soient que peu les siennes et surtout celle du Christ.
Quand on lui demande comment elle voit la femme d’aujourd’hui, elle répond qu’elle est très complémentaire de l’homme. Persuadée que le monde et la société ont besoin qu’elle soit établie dans tous les domaines, professionnel, familial, politique, associatif…, elle rapporte, dans son livre Filles de roi, que les entreprises qui exercent une véritable parité homme – femme dans la direction enregistrent un meilleur chiffre d’affaires. Comment les femmes peuvent-elles découvrir leurs talents pour mieux trouver leur place dans la société ? La réponse de Gwenaëlle est originale : « oui il est nécessaire de faire un travail pour bien se connaître. On peut également passer beaucoup de temps avec le Seigneur, dans l’adoration. Moi, c’est ce qui m’a permis de mieux me connaître car Lui me connaît mieux que moi et Il me permet d’avancer. Je peux le dire, si on Le laisse faire, la vie va beaucoup mieux que si on essaie de contrôler ! Cela permet de s’occuper de soi tout en étant décentrée. Car lorsqu’on est centrée sur soi-même, comme dans le développement personnel, on ne voit plus ce qu’il se passe autour de nous. Si je reprends le contrôle de mes décisions, sans oraison le matin, je me plante à coup sûr ! »Filles de roi est une idée survenue dans la prière. Une association qui réunit les femmes dans la prière afin de révéler leur nature profonde et d’aller vers un élan insoupçonné. Trois temps ponctuent les veillées de prière et le congrès annuel (ou biannuel) : se relever, se révéler, s’élever.
Le grand ménage
Se relever consiste à tout lâcher, vider ce que nous portons, déposer notre vie au pied de la croix. « C’est le grand ménage dans notre vie qui nous permet d’aller vers la révélation de nos talents, de ce qui nous fait vivre ! Une femme peut se révéler en tant que mère au foyer comme elle peut se révéler en tant que chef d’entreprise, ou même les deux ! » Vient le moment de s’élever. C’est le temps de l’engagement. Les femmes peuvent devenir missionnaires après un cheminement personnel dans la prière. « Chaque femme a sa place unique, son appel qui résonne dans le silence. En ne restant pas centrée sur soi tout en apprenant à bien se connaître, notamment grâce à la prière, les femmes peuvent, avec leur intuition naturelle, recevoir ce pour quoi elles sont faites. Certaines sont appelées à de grandes carrières qui enrichiront les sociétés par leur talents propres, d’autres seront des mères au foyer épanouies. Le modèle de la femme warrior qui porte tout sur ses épaules avec l’obsession de tout contrôler ne fonctionne pas. Celles-là s’épuisent et s’endurcissent, effaçant bien malencontreusement ce qui fait la richesse de leur nature. » L’enjeu de Filles de roi : faire que la richesse de la femme soit au cœur du monde. « La femme a son propre génie à apporter au monde, j’en suis convaincue ». Un congrès sera organisé du 24 au 26 mai prochain à la Madeleine à Paris. « La figure de Marie-Madeleine est très importante pour nous.
C’est une femme pècheresse qui offre toute sa confiance et son amour à Jésus qui la sauve.» 400 femmes, de toute confession ou athées se réunissent lors de ce congrès pour vivre des moments inoubliables, notamment grâce à des témoignages de chrétiennes engagées. Des veillées sont également organisées une fois par trimestre dans toute la France. « L’objectif est de mettre les femmes en mouvement, de faire bouger les lignes, et qu’elles n’aient pas peur de ce qu’elles sont ! » Du nouveau à l’horizon : Gwenaëlle et d’autres femmes montent actuellement un programme pour les femmes dirigeantes, Women impact, dont le site internet sera bientôt en ligne