Auteur-compositeur et interprète franco-libanais, candidat de la Nouvelle Star en 2008, Ycare sortait au printemps 2025 son septième album, au titre éponyme. Des chansons lumineuses et porteuses d’une quête intérieure dont il témoigne avec enthousiasme et humilité, sans filtre ni retenue. Rencontre.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE PELLEGRIN
Demain, vous enregistrez votre chanson Dans mes bras avec Lara Fabian, comment vous sentez-vous ?
C’est un honneur, je suis très fier, c’est un rêve qui se réalise aussi. L’amour se chante à deux, c’est la seule chanson d’amour heureuse que j’ai écrite de toute ma vie.
Pour qui a eu la chance d’assister à l’un de vos concerts, il en émane quelque chose de plus profond que la simple interprétation de vos compositions, si belles soient-elles. Est-ce que ce sont ces « millions de petits feux » pour en faire « des soleils contagieux » que vous allumez sur scène ?
Ils sont déjà allumés, je les vois dans les gens. Je leur rappelle dans ma chanson Un Paradis : « Quand on saura qu’on est l’hostie, Qu’on est le secret du rosaire ».
Si Lui est venu incarner l’entièreté de la lumière, Il est venu nous rappeler à quel point nous en étions un fragment ; le jour où on l’aura compris, il n’y aura plus les guerres. C’est biblique, depuis Babel, nous ne parlons plus la même langue…
En parlant de feu, quand Notre-Dame de Paris a brûlé, vous n’arriviez plus à composer. Qu’avez-vous ressenti ?
Je n’arrivais plus à respirer, à parler. Je suis resté chez moi, cloîtré à regarder ces images.
J’ai eu l’impression que quelque chose d’innocent et de beau était en feu, qu’on regardait impuissant s’effondrer comme un objet de tourisme de l’autre côté d’un pont. Cela m’a brûlé le cœur. Je ne sais pas pourquoi car à cette époque, je n’étais pas encore en éveil spirituel, j’étais encore dans des travers, je me rappelle avoir bu pour anesthésier cette douleur.
Vous vous décriviez comme un artiste maudit, maintenant vous dites que vous êtes béni, qu’est-ce qui a changé ?
J’allais très mal et j’ai décidé de changer d’existence et de vie. J’étais dans un enfer, sans portes ni fenêtres. Ma perception du monde a changé. J’ai décidé de voir avec le cœur. Je me réveille tous les matins avec cet exercice plus fort que l’écueil de la haine, de garder l’amour à l’intérieur de moi, quoi qu’il arrive, de voir l’enfant en chacun de nous. On ne décide pas de la réaction des autres, on ne peut décider que de la nôtre.
Sur scène, vous bénissez même votre public !
Oui c’est vrai. J’ai été béni par vos applaudissements, j’ai été baigné par vos regards, ce n’est pas un exercice de style de descendre parmi le public, je viens regarder les gens dans les yeux et les toucher.
Quand on est en concert, la salle est un peu allumée, car on est venu se trouver. Si ces gens m’ont mis à cet endroit, j’ai compris qu’il fallait que je sois utile, pas uniquement pour les divertir et qu’ils retournent à leur marasme, mais pour donner un écho au catalyseur de mon cœur.
Vous avez dit que ce dernier album était le plus important pour vous, pourquoi ?
Il est une boucle bouclée pour dire tout ce que j’avais à transmettre aujourd’hui : tous les déserts trouvent une plage. Je croyais que les déserts mèneraient à ma mort et il y avait une plage au bout. Tous les tunnels ont une lumière au fond et il s’agit de la trouver à l’intérieur de soi. Ce Dieu que nous louons en regardant le Ciel, et je le dis dans Où que tu sois, il est aussi à l’intérieur de nous.
Vous vous appelez Assane, vous êtes né dans une famille musulmane, vous n’avez reçu aucune éducation chrétienne, mais vous semblez avoir fait l’expérience du Christ, vous invoquez le Seigneur.
J’ai eu un père d’une grande intelligence qui avait les trois livres à son chevet : l’Ancien Testament, le Nouveau et le Coran. J’ai eu la chance d’avoir un père qui lisait tout et s’intéressait aux religions des autres et m’a tout expliqué. Aujourd’hui, je me suis tourné vers la simplicité de cet Homme, je me retrouve beaucoup dans son message. J’ai eu une expérience très intime et très profonde que j’évoque dans un petit chapitre de mon livre. Un soir de 2022, j’étais assis chez moi à méditer et j’ai reçu une phrase, dans une langue que je ne connaissais pas, que je suis allé traduire et qui m’a parlé. Depuis, je fais ce que j’ai à faire. Son message d’amour universel est celui dont je suis aujourd’hui le plus proche, c’est un message d’absolu, de pardon.
Aujourd’hui, je n’irai pas parler à quelqu’un qui croit, mais à quelqu’un qui doute. Qu’en est-il d’aller parler avec celui qui ne croit pas comme nous ? Qu’en est-il de trouver une table pour aller s’asseoir avec celui qui ne pense pas comme nous ? Il est là l’effort du Christ.
Vous arrive-t-il de penser à Dieu quand vous chantez ?
Je ne pense qu’à Dieu tout le temps, et pas simplement quand je me rase, comme dirait un ancien président ! (Rires) Je fais tout avec Dieu. Je ne pense pas qu’à Lui, je fais tout accompagné de Lui. Je me réveille le matin et Lui dis aide-moi à être utile, à ce que tu souhaites, utilise moi comme ton outil, je suis là pour ça.
Pourquoi avoir choisi de tourner l’un de vos clips dans une église ?
Parce que c’est un décor qui accueille tout le monde. Quand je vais dans une ville en tournée, c’est l’église que je visite en premier. Je vais y chercher la sécularité de la prière des gens, je vais m’asseoir et m’imprégner de siècles d’espérance. C’est là que des gens sont venus L’invoquer. Cette prière s’immisce jusque dans la pierre et vient la faire suinter. Alors je touche le mur de l’église et essaye de m’imprégner de la prière des autres, et je fais ça partout où je vais. J’essaye de me souvenir de combien de dames se sont mises à genou ici pour que leur enfant guérisse, pour que leur fils revienne de guerre, pour que leur époux se porte bien. Je pense aux femmes qui portent le monde.
Un jour, je dinais avec un vieil homme de confession musulmane. Il me disait : « j’ai 83 ans, j’ai fini, j’ai vécu, je veux partir ». Arrive l’heure du dessert, je ne dis rien, et le vois commander et se régaler d’une glace vanille-café. Je souris et lui réponds : « vous êtes heureux de manger cette glace, alors pourquoi êtes-vous pressé de partir ? Tous les jours, vous pouvez manger cette petite glace. »
Le Seigneur nous a mis des petits paradis quotidiens, dans le fait de verser votre eau et voir votre sachet de thé s’infuser, de pouvoir sentir le bout de vos doigts…
Chaque matin, il y a un miracle de Dieu. Dans un monde qui se divise, je veux unir par-delà les obédiences. En réalité, il n’y a que l’amour qui compte, c’est ce qui nous incombe de faire ici-bas, et elle est là notre foi.
Vous me rappelez cette parole de sainte Thérèse : « Dans le cœur de l’Eglise, ma mère je serai l’amour. » Connaissez-vous cette sainte ?
Grâce à Natasha St-Pier qui est une amie ! Elle m’en parle avec une passion et une vivacité bouleversante. Elle m’a envoyé une phrase magnifique de sainte Thérèse. Dieu parle dans la bouche du voisin, et parfois il est bavard !
Ycare s’est brûlé les ailes, mais Ycare s’est reconstruit, c’est la force de votre témoignage. Quel conseil donneriez-vous à ceux qui ont les ailes brûlées ?
Savoir que la foi guérit tout, que l’amour sauve de tout. Que l’amour sauve de la maladie, du doute. L’amour raffermit le pas hésitant, trébuchant, il faut lui faire confiance. J’aimerais que mon histoire aide, j’aurais pu avoir la pudeur de la cacher, par honte, et personne n’aurait rien vu. Je serais revenu tout flamboyant d’un coup. Sauf qu’à quoi bon me sauver si cela ne sauve que moi ? Que les gens aient foi en eux aussi. Ils sont un fragment de Lui. Ils sont un fragment de Lui. Je vous le dis trois fois, ils sont un fragment de Lui.

YCARE est musicien, auteur compositeur, et il interprète ses propres chansons. Ses titres les plus connus sont « Lap Dance », « D’autres que nous » et « Animaux fragiles ». Il a souvent chanté en duo, notamment avec Zaz, Claudio Capéo ou Garou. Son dernier album en date, Ycare, est sorti au printemps 2025.





