Louis-Guillaume Piéchaud a repris l’atelier familial installé depuis 1964 au plus près du berceau de l’émail grand feu : le Limousin. Centre européen de cette technique répertoriée dans l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France depuis le XIe siècle, il a produit d’innombrables trésors scintillants de ce mélange de minéraux – silice, plomb et d’oxydes métalliques – vitrifié à haute température…
TEXTE ET PHOTOS ALEXANDRE MEYER
Trois années de travail ont été nécessaires à la réalisation de ce calice. La coupe, en cristal de roche taillé dans la masse, laisse filtrer une lumière d’un blanc pur, irréel. Le pied du calice abrite une relique du saint Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney. Au centre, le « nœud » est en jaspe. Le centre de la patène, qui reçoit l’hostie lors de la consécration, est lui aussi en cristal de roche.
LE SAViEZVOUS ? LE MOT « ORFÈVRE » VIENT DU LATIN AURIFABER : LE « FORGERON D’OR ». IL EST COMPOSÉ DE AURUM, « OR » ET DE FABER, « OUVRIER », QUI A DONNÉ « FÈVRE » EN ANCIEN FRANÇAIS.
QUATRE GÉNÉRATIONS D’ARTISANS AU SERVICE DE L’ÉGLISE
Son fils Stéphan lui succède et son petit-fils, LouisGuillaume, entre à l’atelier en 1991. Il se spécialise en orfèvrerie et en art liturgique. L’entreprise connaîtra son apogée au tournant des années 1980- 1990. De nos jours, les fêtes de la foi et les baptêmes se font plus rares. Les professions de foi du mois de mai ont été déprogrammées l’an dernier et le seront encore sans doute cette année. La concurrence déloyale des « émaux à froid » – du vulgaire plastique – n’arrange rien. Heureusement, les restaurations et les commandes de pièces uniques ne manquent pas. L’artisan nous montre et décrit avec un luxe de détails la crosse d’un évêque, le calice d’ordination d’un prêtre ou l’évangéliaire sur lesquels il travaille actuellement. Le jaspe et le bronze brillent d’un reflet chaud, rouge ou mordoré, sous la lampe basse de l’établi. Croix de procession pour leur église, ampoule de saint chrême pour les confirmations, les commandes proviennent souvent de religieux qui découvrent que la fabrication de ces objets sacrés existe toujours et sont motivés par la joie de faire travailler des artisans convaincus. Louis-Guillaume Piéchaud perpétue cette longue tradition familiale et poursuit le travail de création amorcé par son arrière-grand-père. Ses reliquaires exposent à la vénération des fidèles les restes des saints Louis et Zélie Martin au Grand-Saint-Bernard (Suisse), de Jean-Paul II et Mère Teresa à l’Île-Bouchard (Indre-et-Loire) ou de la Tunique du Christ à Argenteuil (Val-d’Oise).
TOUT EST LUMIÈRE
Les outils, suspendus au râtelier ou réunis à portée de main, luisent d’un éclat mat : burins et ciselets, marteaux à planer, emboutir ou ciseler, enclume, tas, tasseaux, bouterolles, recingles, bigornes aux formes savantes, laminoir et filières aux engrenages finement huilés… Les pierres semi-précieuses – jaspe, améthyste, citrine, malachite, agate, grenat, lapis-lazuli… – proviennent d’Afghanistan, de Russie ou du Congo. L’orfèvre réalise la plupart de ses crucifix et pendentifs avec de la grenaille de bronze ou d’argent et des plaques ou des fils de laiton et de cuivre. Ils seront fondus puis coulés dans des moules de plâtre, suivant la technique de la cire perdue. Les émaux viendront ensuite les égayer de reflets bleus, rouges, verts et mordorés
Les éléments de la couverture d’un évangéliaire en cours de réalisation. Louis-Guillaume Piéchaud travaille souvent en collaboration avec d’autres artistes. Ici, les miniatures peintes en médaillon sur parchemin avec des pigments traditionnels, glissées sous des cabochons baroques de cristal de roche, ont été dessinées par Augustin Frison-Roche (voir L’1visible n° 119).
INDÉMODABLE
Les maîtres mots de notre orfèvre sont tradition, transmission et pérennité. Sa quête ? Que ses œuvres soient belles dans cinq cents ans. Comme ses sources d’inspiration médiévale qui n’ont pas pris une ride. Ici, il n’est pas rare de trouver des crucifix dont le modèle n’a pas changé en soixante ans. Médaille de berceau, croix scoute, bénitier… Les jeunes parents y trouveront la madeleine de Proust qui ornait leur chambre d’enfant, chez la grand-mère qui venait les bénir avant qu’ils ne s’endorment.
À L’ÉPREUVE DU TEMPS
Si Louis-Guillaume Piéchaud consacre 99 % de son temps à la réalisation d’objets liturgiques, il se voit parfois passer des commandes inattendues… Ainsi, c’est son atelier qui a produit la copie du bouclier de Brennus, trophée de l’équipe victorieuse au Championnat de France de rugby, qui est remis chaque année au club gagnant. L’original, lui, a été mis à l’abri dans un musée. La preuve que ses œuvres sont faites pour servir et résister à tout, non ?
POUR ALLER + LOIN
http://www.piechaud-orfevre.fr