Contre la culpabilité, en finir avec le péché ?

27 juin 2010

Bernard de Castera

Controverse. De nos jours, le péché a mauvaise presse. Coupable de nous empoisonner la vie et d’entretenir en nous une culpabilité malsaine, il a pratiquement disparu du paysage. Pour s’affranchir de la culpabilité, faut-il en finir avec la notion de péché ?

Débat entre Max et Bernard de Castera, professeur de philosophie

1 La culpabilité est mortifère. Nous devons tout faire pour déculpabiliser les gens plutôt que de faire peser sur eux des jugements moraux écrasants.

Bien sûr que la culpabilité peut être mortifère. C’est un sentiment négatif, une sorte de honte tellement lourde à porter qu’elle peut conduire à des attitudes fausses : se cacher derrière le masque d’un personnage factice, jouer les caïds, se saouler d’une multitude de distractions pour oublier, voire même parfois humilier les autres par crainte qu’ils ne nous découvrent tels que nous sommes. Celui qui vit dans la culpabilité en arrive à se détester, il veut se fuir, ce qui peut conduire jusqu’au suicide. Voyez Judas ! Après avoir livré Jésus, il s’est senti affreusement coupable et il est allé se pendre. Il n’a pas eu foi dans l’amour de Dieu, son péché lui est apparu trop grand pour être pardonné. Pour les chrétiens aussi, la culpabilité est donc un piège dans lequel nous pouvons tomber après avoir commis une faute. C’est loin d’être une vertu chrétienne. Bien au contraire.

2 Pourtant, si mes souvenirs de catéchisme sont exacts, l’Église demande bien aux gens qui vont se confesser de regretter amèrement leurs péchés…

Oui, c’est ce qu’on appelle la contrition. Mais cela n’a rien à voir avec la culpabilité. C’est la souffrance et le regret d’avoir fait du tort à quelqu’un, qui s’accompagne de la volonté de réparer le mal commis. La contrition consiste donc à reconnaître sa faute, mais en se tournant avec confiance vers Dieu qui pardonne et qui relève celui qui est tombé. Elle aide justement à sortir du cercle vicieux de la culpabilité.

3 Pour reconnaître sa faute, encore faut-il en être vraiment responsable. Grâce à la psychologie, on sait bien que nous sommes tous des êtres blessés qui blessons à notre tour, souvent malgré nous. Au fond, nous sommes tellement conditionnés que nous ne sommes pas libres.

 La part de notre responsabilité dans les actes que nous posons, varie en fonction de l’âge et de l’histoire de chacun, des circonstances de l’action, d’une multitude de facteurs. Mais il reste que dans tout cela, chacun dispose malgré tout d’une part de décision, d’orientation personnelle. Même embarqué dans une sale histoire, un malfaiteur garde au fond de lui sa part de libre-arbitre. Certes, notre liberté est blessée, limitée, en partie infirme, mais si petite qu’elle soit, elle peut encore se tourner vers le bien. Là se trouve, en fin de compte, notre responsabilité. Celle-ci demeure toujours, parce que fondamentalement, l’homme a été créé libre.

4 Mais au fond, qu’est ce que le péché, sinon la transgression d’une loi morale subjective et relative suivant les lieux et les époques ? Même au sein des religions, la morale évolue avec le temps. Dans ces conditions, pourquoi se prendre la tête avec des péchés qui demain ne seront plus reconnus comme tels ?

Certes, il y a des choses qui évoluent, mais personne n’admet qu’on lui mente, le trompe ou le manipule, ce qui manifeste bien que tous ont droit à la vérité. Personne n’admet qu’on le vole, ce qui montre que tous reconnaissent un droit à la propriété. Personne n’admet qu’on le réduise en esclavage, le vende d’une manière ou d’une autre, ce qui montre que tous reconnaissent le droit à la liberté. Personne n’admet qu’on puisse le tuer sans raison, ce qui montre que tous ont droit à la vie. Il y a donc bien des droits universellement reconnus. Quand chacun est personnellement atteint dans l’un ou l’autre de ces droits, non seulement il reconnaît ce droit, mais il le revendique ! Les dix commandements de la Bible ne font qu’exprimer ces points fondamentaux communs à tous les peuples : tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, etc. Ils ont d’ailleurs inspiré la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948.

5 Admettons que l’homme soit libre et responsable comme vous le dites, imaginons qu’il y ait, comme vous le prétendez, un bien et un mal objectifs, reconnus par tous, vous rendez-vous compte du poids que vous faites peser sur les épaules des gens ? C’est inhumain. Combien de personnes vivent d’ailleurs comme écrasées par ce poids de culpabilité à cause des religions et de leur quête illusoire de perfection ?

 Il y a deux manières de tenter de se libérer du poids de la culpabilité : la première est de nier la faute purement et simplement. Mais force est de constater que cela conduit à une impasse. Autour de nous, combien de personnes souffrent de névroses, petites ou grandes, à cause d’une culpabilité d’autant plus sournoise qu’on l’a enfouie, refoulée ? En rejetant la notion même de faute, on se coupe toute possibilité d’en évacuer le poids. Le Christ propose un autre chemin : il se propose lui-même de nous libérer. C’est un message incroyable. Au lieu d’être venu pour accuser les hommes et les enfermer dans la culpabilité, Jésus-Christ vient les libérer. C’est tout le sens de l’épisode avec la femme adultère (voir encadré). Il vient enlever le péché du monde : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs » (évangile de saint Marc, chapitre 2, verset 17). Encore faut-il que le malade veuille guérir et ne plus retourner au style de vie qui l’a conduit à cet état ! Le Christ appelle à un changement de vie pour que nous ne soyons plus sous le poids de nos fautes. Il nous appelle à sa suite pour une vie nouvelle et libre.

Max

Étudiant en Master de philosophie, Max cherche la vérité dans sa discipline. Pour lui, les religions empêchent les hommes d’être libres et d’assumer leur condition humaine. 

Bernard

Il est professeur de français et de philosophie en lycée, en classes préparatoires et en faculté. Il anime aussi des formations sur le dialogue entre la foi et la raison, sur la rencontre entre Dieu et l’homme et sur l’enseignement social de l’Église. Il est l’auteur de La révolte est-elle juste ?, Mame Edifa, 2009.

Témoignage

« J’ai aperçu le motard à terre » « Un soir de juillet, tandis que je roulais tranquillement sur une route départementale où il venait de pleuvoir, je me suis trouvé brusquement face à plusieurs motocyclistes qui roulaient côte à côte à toute vitesse. Le coup de frein que j’ai donné alors pour éviter une collision a déporté mon véhicule. Carambolage… En sortant indemne de ma voiture, j’ai aperçu aussitôt une moto renversée sur le bas-côté et le motard à terre, étendu. Étonnamment, la prière suivante s’est immédiatement imposée à moi : «  Seigneur, même si je dois vivre tout le reste de ma vie avec cet affreux souvenir d’avoir tué quelqu’un involontairement, je crois que je resterai toujours ton enfant bien-aimé !  » Par chance, Dieu m’a épargné cette terrible épreuve : le motard n’avait qu’une légère blessure… »Pierre

Le plus célèbre adultère
L’adultère le plus célèbre au monde est sans aucun doute celui qu’évoque saint Jean dans son Évangile. Cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère et, selon la loi en vigueur, elle doit être lapidée. On l’amène immédiatement à Jésus, pour lui demander son avis et savoir quel sera son jugement. Mais Jésus ne répond pas à la question qui lui est posée. Il s’abaisse et trace des lignes sur le sol. Finalement, il répond par une simple phrase : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Soudain, sans un mot, sans jeter le moindre caillou, ces hommes pleins de haine partent tous les uns après les autres… Alors seulement Jésus pose son regard sur la femme et lui dit : « Ils ne t’ont pas condamnée ? Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais ne pèche plus. » Cette scène montre bien que le Christ, quelle que soit la gravité de la faute, ne condamne jamais personne : ni les hommes ni la femme. Il met chacun face à sa conscience pour exercer sa responsabilité. Au lieu que la pécheresse meure écrasée sous les pierres de l’accusation, le Christ l’a sauvée d’une culpabilité mortifère et l’a mise, elle aussi, face à sa conscience en lui disant de ne plus pécher. En même temps, il lui accorde le pardon qui lui permet de repartir pour une vie neuve, non plus dans la honte, mais libérée par l’amour.

Pour aller plus loin :
La culpabilité, comment s’en sortir ?, Père Denis Sonet, éditions Le Chalet, 2001.

Petit guide pour se confesser, éditions de Solesmes / éditions de l’Emmanuel, 2008.

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