COMMENT SE LIBÉRER DU PORNO ?

8 septembre 2022

17 L1v N139 P. Eric Jacquinet

Difficile de reconnaître sans se mentir à soi-même que l’on est prisonnier de la pornographie ! Les heures défilent, les images s’enchaînent, les relations avec les proches sont perturbées, cela finit par se ressentir au travail et plombe la relation avec son conjoint… « Ça passera ! pense Lili Sans-Gêne. Après tout, ce n’est pas si grave… » Au contraire, affirme Éric Jacquinet. Il est temps de tirer le signal d’alarme.

LE DÉBAT ENTRE LILI SANS-GÊNE ET LE PÈRE ÉRIC JACQUINET

Ingénieur diplômé de l’Institut catholique d’arts et métiers de Lille, Éric Jacquinet a été ordonné prêtre en 1992 pour le diocèse de Lyon. Il anime un groupe de travail sur les addictions à la pornographie depuis plus de dix ans. Prêtre de la communauté de l’Emmanuel, il est curé de Talence depuis 2014.

Le porno, on ne va pas se mentir, tout le monde en regarde ! Ce n’est qu’un genre cinématographique comme les autres.

Éric Jacquinet Ce n’est pas du tout ce que disent les femmes qui surprennent leur mari sur des films pornos ! Elles se sentent trompées. Comment réagiriez-vous si votre conjoint regardait des scènes qui touchent à l’intimité de la vie du couple et sont parfois franchement de l’ordre de viol ? Non, les films pornos ne sont pas des films comme les autres. D’ailleurs les acteurs ne jouent pas vraiment un rôle. On n’attend d’eux non qu’ils nous touchent en incarnant des personnages dans une histoire, mais qu’ils exhibent leur propre corps pour susciter chez le spectateur une excitation sexuelle.

J’ai bien le droit d’avoir mes petites habitudes sans que tout le monde soit au courant, surtout s’il les autres désapprouvent !

Quand on ne peut parler à personne de ce qui nous passionne, il y a un problème. Cela touche à la question de la vérité. Les addictions développent toutes une attitude de mensonge permanent. L’alcoolique se ment à lui-même et à son entourage. Et c’est particulièrement vrai pour la pornographie qui repose sur un double mensonge, des deux côtés de l’écran. Les acteurs ne vivent pas une relation sexuelle qui traduise leur amour. De plus, ils simulent leur plaisir, alors que certaines « performances » leur sont en réalité insupportables. Par ailleurs, le spectateur regarde souvent ces images en cachette. Il ne peut pas assumer cela en public. Il est dans l’illusion d’être dans une relation sexuelle, alors qu’il n’est que dans une excitation sexuelle privée de toute relation. C’est une négation de la sexualité, faite pour consolider une relation d’amour entre les personnes. Bref ! Tout repose sur une logique de mensonge, d’où une honte croissante.

Attendez, je n’ai jamais dit que j’en étais fière ! Je n’en fais pas la promotion et, franchement, j’en regarde à peine un ou deux de temps en temps…

Méfiez-vous, car les images X ont un très grand pouvoir addictogène. Il est bien difficile de s’en libérer quand elles sont entrées dans notre mémoire. Prudence, car notre mémoire relancera le désir d’y trouver une dose de sensations. C’est ce qui est recherché, souvent pour gérer des difficultés pré[1]sentes comme le stress professionnel, les inquiétudes, les tensions relationnelles, les culpabilités… Parfois, c’est une réponse à un mal-être, enraciné dans notre histoire personnelle, à la suite d’un deuil ou d’un traumatisme, comme un abus. C’est donc un palliatif pour tenter de calmer une souffrance. Et ce moyen se révèle mauvais, car il abîme progressivement toutes nos relations. Nous devenons introvertis, avec peu d’amis. Notre estime de soi est en berne. Nous ne maîtrisons plus notre emploi du temps : on pensait aller voir un site X durant 5 minutes, et on y passe la nuit… On n’a donc pas réglé nos souffrances. Au contraire, on les a aggravées.

Vouloir interdire le porno n’est-il pas un combat d’arrière-garde, un truc de bigot, de la pudibonderie ?

Qui vous parle d’interdire ? Mon combat consiste d’abord à aider des personnes qui en sont devenues esclaves. Elles en souffrent parfois beaucoup. Certaines sont désespérées, en crise, épuisées. D’autres sont acculées à s’en libérer pour éviter que leur couple n’éclate. Et, à cause de l’ampleur des dégâts que je constate, je ne peux pas me taire sur les méfaits de la pornographie !

Il ne faut pas exagérer, regarder du porno ne revient quand même pas à consommer des drogues dures !

Dire cela, c’est souvent faire preuve de déni, qui est la première caractéristique de toute addiction : « pas de problème, je gère. » Sauf que l’addiction réclame sa dose fréquente et de plus en plus intense pour produire le même plaisir. C’est le phénomène de l’accoutumance. On commence avec du « soft » érotique, et on arrive assez vite à regarder des images très trash, d’une violence inouïe ou répréhensible par la loi, comme la pédopornographie. On décide alors d’arrêter de consommer du porno. Mais quand on ne parvient pas à tenir sa résolution plus de quelques jours, ça devient compliqué. L’engrenage est lancé. Et on découvre que c’est une vraie drogue, même s’il n’y pas de produit ingéré. Les effets sont les mêmes : fatigue croissante, relations dégradées, difficulté à travailler, dégoût de soi, et à la fin, épuisement et perte du goût de vivre.

Je connais beaucoup de gens qui vivent dans des familles où l’on ne parle jamais de sexualité et dont le porno a fait toute l’éducation sexuelle !

C’est le drame de l’accès libre des enfants et des jeunes aux sites X. Quelle image auront-ils de la sexualité ? De belles relations humaines, faites de tendresse et de don mutuel ? Non, au contraire : la sexualité sera vue sous un mode violent, j’allais dire bestial. L’autre est vu comme un objet de plaisir. Disons-le clairement : la pornographie produit de la violence entre les personnes. Par ailleurs les études montrent que la pornographie ne stimule pas la sexualité dans les couples. Le visionnement d’images X produit une perte de libido chez les femmes et de l’impuissance chez les hommes ! Ce n’est donc pas un bon moyen pour remplacer ou stimuler les vraies relations. Ce n’est qu’un leurre !

D’accord, je comprends vos arguments, mais je ne crois pas faire partie du lot des gens accros. D’ailleurs, je peux décrocher quand je veux !

Faites le test en répondant aux 10 questions sui[1]vantes. En fonction de votre note (de 0 à 10/10), vous connaîtrez votre degré d’addiction. Êtes-vous obnubilé par le sexe sur Internet ? Quand vous consultez un site X, y passez-vous plus de temps que prévu ? Si votre ordinateur plante ou la connexion internet s’arrête lors de consultation d’images X, ressentez-vous de l’irritation ? Avez-vous du mal à gérer les frustrations ? Recourez-vous aux sites X pour soulager des sentiments négatifs ? Cachez-vous vos consultations d’images X à votre entourage ? Mentez-vous à ce sujet ? Etes-vous tenté de commettre des actes illégaux en ligne ? Cela met-il votre relation de couple (vos amitiés, votre travail) en danger ? Prenez-vous des risques financiers ?

Si, par malheur, je n’arrivais pas à m’arrêter de regarder du porno, où pourrais-je trouver de l’aide ?

On trouve actuellement différentes méthodes pour se libérer du porno. La méthode que nous avons élaborée est « libre pour aimer » (voir ci-dessous). Nous avons découvert que l’addiction est une maladie de la relation. Ce sont donc les relations qu’il faut développer pour trouver un équilibre. Car le but n’est pas d’arrêter le porno, mais d’être heureux. Cela passe par une libération de ce qui nous détruit et par la construction de relations de plus en plus belles.

ALLER PLUS LOIN

Parcours Libre pour aimer. Sortir de la pornographie
Éric Jacquinet, illustré par Ixène. Éditions Emmanuel, 2016, 358 pages, 19 €. De nombreuses personnes cherchent à être libérées d’un nouvel esclavage : la consommation fréquente d’images pornographiques.  Ce parcours est un chemin de libération en 40 jours. À chaque étape, un témoignage, une réflexion et un exercice aident à y voir plus clair, pour retrouver la liberté et le goût du bonheur. Le parcours Libre pour aimer a déjà été suivi avec succès par plus de 3 000 personnes. Il est accessible sur : https://librepouraimer.com

 

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