Adoption : l’amour ne suffit pas

11 décembre 2012

adoption

Famille. Aujourd’hui, les adoptés ont grandi, ils parlent et leurs parents aussi. Leur parcours est plus douloureux que prévu. Il a le poids de la perte des parents biologiques et d’un nouvel attachement à créer. Comment passer de couple adoptant à parents adoptifs ? Enquête.

Parole de sagesse

Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée. » Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas. Car je t’ai gravée sur ma main, j’ai  toujours tes murailles devant les yeux. – Parole du Seigneur tout-puissant.
Isaïe 49, 14-16.

Cinq clés pour : Adopter un enfant

1 L’incontournable deuil de la mère. En perdant sa mère, l’enfant a perdu une partie essentielle de lui-même, il a perdu les repères de son identité primordiale. Quelque chose meurt en lui. Et quoi que fassent les parents adoptifs, ils doivent accepter que cette blessure primordiale, ils seront impuissants à la gommer. Que l’enfant soit adopté quelques heures après sa naissance ou des années plus tard, la perte est la même : il a perdu sa mère. Ce qui fait la différence entre les adoptions, c’est la possibilité donnée à l’enfant de rencontrer plus ou moins vite une « nouvelle » mère prenant le relais de la première. Mais perte il y a, inscrite à tout jamais dans l’histoire et le vécu de l’adopté.

2 Comprendre le rôle du père. Le père inscrit l’enfant dans le corps social. Symboliquement le père est celui qui ouvre l’enfant à d’autres possibilités relationnelles qu’avec sa mère. Le père, lorsqu’il prend sa place, est celui qui vient permettre d’ « exister pleinement ». Il apporte des éléments essentiels à la structuration psychique de l’enfant. S’il prend sa place d’homme à côté de la mère, il introduit l’enfant au manque, et lui montre qu’il faut supporter qu’une mère n’est pas toute pour l’enfant, et que l’enfant ne doit pas être tout pour elle. Le père libère mère et enfant du monde clos et binaire où les enferme une toute-puissance réciproque.

3 Intégrer l’enfant dans une chaîne généalogique. Il est utile de dessiner sa généalogie à l’enfant adopté, en le mettant au centre de la feuille, rattaché à une branche des deux arbres qui l’encadrent à gauche et à droite. Les racines de ces arbres, étant enlacées dans son cœur, seront dessinées mélangées dans le même terreau. Les branches d’un arbre porteront l’ascendance de la famille adoptive, les branches de l’autre celle de la famille de naissance, en les nommant (par exemple : grand-père chinois). Ainsi l’enfant pourra comprendre qu’il s’origine de quatre parents, les uns lui ayant donné son corps et les autres lui donnant au quotidien leur amour et leur éducation. Cela donne une opportunité de plus pour l’aider à élaborer la question des origines.

4 Aider un enfant adoptif qui vole. Lorsqu’un petit subit un traumatisme aussi grave qu’une coupure totale d’avec sa mère, il a du mal à intégrer avec succès des événements incluant des séparations et des pertes. Voler est une tentative de gérer cette perte. L’enfant qui vole est celui qui cherche à acquérir un objet dont il espère que la possession lui apportera de quoi remplir un vide au fond de son cœur. Les parents adoptifs doivent reconnaître, comprendre, et aider l’enfant à se dégager de ce symptôme et à assumer la perte primordiale par un autre biais. Il faut donner laisser le temps faire son œuvre.

5 Savoir se remettre en question. L’enfant adopté, comme tout enfant, renvoie aux parents une part de vérité sur leur histoire et sur leurs propres questions à résoudre. Si les parents adoptifs manquent de souplesse psychique et ont tendance à rester enlisés dans leurs « certitudes », ils perdent une chance d’évoluer et d’aider leur enfant à surmonter les écueils de la souffrance, notamment dans la perte primordiale.

Diane Drory

Psychanalyste et psychologue,  elle vit à Bruxelles.  Les souffrances de l’enfance restent son cheval de bataille depuis trente-cinq ans. Elle est l’auteur de nombreux articles et ouvrages dans ce domaine.

 

LEXIQUE

Rôles des parents: Pour grandir sereinement, il est bien plus aisé de disposer de deux parents inscrits dans une différence et assumant chacun une place et un rôle différents. Quand vient le temps de prendre ses distances d’avec sa mère, l’enfant doit pouvoir se tourner vers d’autres pôles affectifs. Le père est la personne tout indiquée pour entamer cette nouvelle expérience. Il est là pour séparer mère et enfant, pour indiquer à la mère que l’enfant n’est ni son objet ni sa possession.

TEMOIGNAGE : « Ma blessure d’adoption »

Pierre-Marie a été adopté en Turquie. Le manque de racines a provoqué chez lui une immense souffrance… et beaucoup de violence.
De l’orphelinat, je n’ai aucun souvenir. En France, le médecin déclare que j’ai environ 4 ans. On décide de ma date d’anniversaire et me voilà donc Pierre-Marie né le 1er juillet 1985. Tout ça c’est du papier, du faux, du toc. Mais pour l’histoire on fait semblant d’y croire. Je m’en accommode plus ou moins, jusqu’à 10 ans. Puis tout a changé. Sans trop savoir pourquoi, je ne supporte plus le mensonge de ma vie. Je ne veux plus être le fils de mes parents puisque je ne le suis pas et qu’en plus je les déteste. J’ai mal à en crever. Pour avoir moins mal je me shoote. À 11 ans, les joins n’ont plus de secret pour moi. Et pour me soulager, je cogne. Je cogne très dur. Je multiplie les fautes. Je vois de moins en moins la distinction entre le bien et le mal. Sans nom, sans racine, sans identité. Sans père, sans mère. Je ne suis personne. Juste là, comme ça, balancé dans la vie, balancé dans le vide. Ma mère ne lâche pas prise. À 16 ans, elle me traîne chez un nouveau psychologue : « C’est une douleur liée à son adoption. Il ne parvient pas à s’attacher, à se créer des racines. »
Aujourd’hui, j’ai 24 ans. Mon regard sur mes parents adoptifs a changé. Je suis toujours instable mais je ne hurle plus ma rage, ne les hais plus. Ils ont tout supporté, tout accepté même s’ils ont parfois exprimé leur colère. Tout cela, c’est la blessure de l’adoption, la blessure de l’abandon. Cette douleur-là, personne n’y peut rien.

Pour aller plus loin :

www.drory.be

Le complexe de Moïse, Paroles d’adoptés devenus adultes, Diance Drory, Colette Frère, Éd. De Boeck, 2012

Souffrance dans l’adoptionCatherine Sellenet, Éd. De Boeck, 2012

Au risque de l’adoption : Une vie à construire ensemble, Cécile Delannoy, Éd. La Découverte, 2008

Attachement et adoption : Outils pratiques pour les parents,D. Gray, Éd. De Boeck, 2007

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