Rencontre. En prenant un aller simple pour la littérature, il a tout gagné : le Goncourt et l’estime d’un lectorat fidèle et enthousiaste. Celui qui a voulu cloner le Christ se dévoile, entre humour et émotion.
Propos recueillis par Emmanuelle Dancourt
Didier van Cauwelaert est un perturbateur. Il prend un malin plaisir à bousculer nos repères en nous projetant dans des histoires dont la tournure nous envoûte rapidement, le tout avec un style enlevé. Écrivain en trois dimensions (roman, théâtre, scénario) il a fait de la quête de l’identité et de la reconstruction ses thèmes de prédilection. Le Goncourt obtenu en 1994 (à 34 ans) n’a rien changé à sa vie ni à son écriture. Passionné par le Saint Suaire (L’Évangile de Jimmy et Cloner le Christ ?) et la tilma de la Vierge de Guadalupe (L’Apparition), il sait s’appliquer à lui-même le principe de la perturbation révélatrice. La preuve.
Que signifie van Cauwelaert ?
C’est le nom d’un endroit assez inhospitalier qui signifie en très vieux flamand « landes froides ». Sympathique, non ?
Quel est votre principal trait de caractère ?
On va dire l’humour, mais cela n’engage que moi.
Qu’est-ce qui vous amuse dans la vie ?
Le sérieux des autres.
Qu’est-ce qui ne vous fait pas rire du tout ?
Les fanatismes religieux, idéologiques et pseudo-sanitaires.
Quel talent aimeriez-vous avoir ?
Pouvoir composer de la musique.
Votre péché mignon ?
Les grands bordeaux, les bons bourgogne, les vrais champagnes.
Une spécialité culinaire ?
Oui, la truffe, dans tous ses états.
Chose la plus folle que vous ayez faite ?
Terminer un chapitre au milieu d’un tremblement de terre, en me disant que s’il était bon, je ne risquerais rien.
Qui étiez-vous enfant ?
Un preneur de risques. Et un écrivain dès huit ans.
Pourquoi écrivez-vous ?
J’écris pour vivre d’autres vies que la mienne, pour voir le monde avec d’autres yeux que les miens, tout en parlant de moi à travers les autres et en parlant des autres à travers ma plume.
Qui sont vos auteurs cultes ?
Aristophane, La Fontaine, Molière, Cocteau, Aymé, Gary.
Pourquoi avoir acquis le bureau de Marcel Aymé ?
Pour qu’il continue à écrire.
Le plus important pour un romancier ?
L’empathie. Je ne serais pas romancier si je n’avais pas l’impression de porter mes personnages comme des parts de moi-même. Il faut entrer dans la conscience de l’autre.
Merci de terminer cette phrase « Le Goncourt c’est »… :
un peu Miss France. L’année d’après, quelqu’un d’autre vous remplace !
Et cette autre « Le théâtre c’est »… : des amitiés et des amours qui naissent autour de l’imposture d’un rôle, l’imposture révélatrice, de la vérité de l’acteur. Le théâtre au lycée a été un moment très important de ma vie.
Votre rêve absolu ?
Donner vie à des personnages qui vont voyager à mon insu. Faire rire aussi car le rire arrête le temps et la souffrance.
De quoi sont composés vos jours de joie secrète ?
Une fusion d’amour, un bonheur d’écriture, un plaisir à table, une communion avec la nature, des éclats de rire et une bonne surprise. Ça fait des journées chargées.
Une citation ?
« L’arbre, notre grand frère immobile », Romain Gary.
Pourquoi cet amour des arbres ?
Tant qu’on n’a pas enlacé un arbre, écouté dans notre chair le fonctionnement de la sève dans son écorce, on ne peut comprendre cette fraternité.
Qu’y a-t-il de plus catho en vous ?
L’amour, comme outil de connaissance. Ma curiosité pour le visible et l’invisible et surtout leur interaction.
Avez-vous la foi ?
Oui mais je suis un libre-croyant. Tout ce qu’il y a dans le message du Christ et des Évangiles, ce message d’amour, féministe, cet appel à la rébellion, je m’y reconnais pleinement.
Quelle est la vertu première ?
La joie. Dans la Bible, elle est très présente. Elle permet de transmettre un élan vital aux autres, d’apprivoiser l’insupportable. Elle justifie ce pour quoi on est sur terre : rendre l’air plus respirable aux autres et les gens un peu moins malheureux.
Saint Suaire ou Guadalupe ?
Face à la Guadalupe, on a un sentiment de paix, d’amour, de sérénité extraordinaire qui n’émane pas du linceul de Turin. Le linceul est le témoignage d’un supplice. Pour moi, Jésus n’est pas là ; ce n’est que la chrysalide du papillon. Le linceul titille la réflexion alors que la tilma en appelle à la foi, donc à l’amour.
Que dire à un enfant pour le guider dans la vie ?
Recherche l’effort qui fait plaisir.
Quelle est la question qu’on ne vous a jamais posée ?
Merci d’y répondre. Pensez-vous que notre destin soit écrit ? – Oui mais, par nous, avec une grande marge de liberté, de choix, de trahisons possibles. Comme un scénario qui peut donner un bon ou un mauvais film. Toute vie est un projet au service de l’amour, de la connaissance, de la création continue. En ce sens, on peut parler de projet divin.
« Ce qui compte, c’est d’avoir toujours quelque chose à attendre », écrivez-vous dans La vie interdite. Qu’attendez-vous aujourd’hui ?
L’épanouissement et la réussite des personnes que j’aime.
Votre vie est-elle conforme à vos rêves ?
Ma vie est totalement le produit de mes rêves, parce que j’ai travaillé mes rêves dès le début, j’ai travaillé comme un fou mes rêves ! C’est la vraie force du rêve actif.