LES LANTERNES DES MORTS, UNE LUEUR DANS LA NUIT

26 octobre 2019

SAMSUNG CSC

Ouvrages insolites et mystérieux, la France ne compte plus aujourd’hui qu’une centaine de lanternes des morts dans le centre et l’ouest du pays. Elles veillent sur les terres du Limousin, du Poitou et de la Saintonge depuis les XIIe et XIIIe siècles.

TEXTE ALEXANDRE MEYER – PHOTOS ALAIN DELIQUET / CREATIVE COMMONS

« Il y a, au centre du cimetière, une construction en pierre, au sommet de laquelle se trouve une place qui peut recevoir une lampe, dont la lumière éclaire toutes les nuits ce lieu sacré, en signe de respect pour les fidèles qui y reposent. Une très grande clarté indéfinissable illuminait sans le secours d’aucun luminaire humain tout l’espace du cimetière. »
Pierre le Vénérable, neuvième abbé de Cluny, De Miraculis. Le livre des merveilles de Dieu, 1135-1156.

Lanterne des morts de Château-Larcher, dans la Vienne.

Ces curieuses tours qui éclairaient les nuits noires de l’Occident médiéval ont-elles servi à jalonner certains grands itinéraires comme le chemin de pèlerinage de Saint-Jacques- de-Compostelle ? Étaient-elles des tours de guet comme en Irlande pendant les invasions vikings ? C’est très peu probable. Ces lanternes appartiennent par la tradition à des usages ou à des superstitions de bien plus haute antiquité. Elles étaient destinées à préserver les vivants de la peur des revenants et des esprits des ténèbres, ainsi qu’à convier les vivants à la prière pour les morts.

UNE LUMIÈRE PROTECTRICE

Hérodote rapporte que dans le temple de l’Héraclès tyrien, héros civilisateur de la mythologie, ancêtre des Gaulois et fondateur mythique d’Alésia, il y avait une colonne isolée en escarboucles (grenats rouges), qui éclairait d’elle-même tout l’intérieur de l’édifice sacré. Chez les Celtes, une lumière protectrice avait le pouvoir de retenir la mort et de l’empêcher de rôder en faisant de nouvelles victimes. Les chroniqueurs rapportent encore qu’un « phare de feu » au milieu des tombes entourant la basilique Saint-Hilaire de Poitiers, veillait sur les hommes de Clovis tombés victorieusement face au barbare Alaric à la bataille de Vouillé (507).

UN RITE ESSENTIEL

Longtemps avant que le christianisme ne couvrît notre sol de lanternes des morts, l’entretien de veilleuses sur les sépultures constituait un rite essentiel du culte des trépassés. Les premiers chrétiens ne firent qu’imiter les païens en plaçant des lampes dans les tombeaux et en allumant des cierges autour des morts. Le cimetière de l’époque romane est un espace communautaire autant qu’un lieu d’apparitions collectives. Lieu intermédiaire entre la terre profane du village et l’espace sacré de l’église, le cimetière – et ses tombes – joue un rôle de médiateur entre l’ici-bas et l’au-delà. La frontière entre le monde des morts et celui des vivants est ténue et perméable : les dangers nocturnes et surnaturels qu’il représente sont un thème littéraire foisonnant, particulièrement en ce XIIe siècle qui voit sortir de terre nos lanternes des morts…

Parmi les lanternes des morts les mieux conservées, celle de Cellefrouin en Charente, de Ciron dans l’Indre, de Pers dans les Deux Sèvres (ci-dessus) – entourée de tombes mérovingiennes pour les plus anciennes.
La lanterne des morts d’Antigny (Vienne), très délabrée, fut entièrement démontée et remontée vers 1880.
Au portail de l’église romane de Fenioux (Charente-Maritime, ci-dessous), les statues des Vierges sages arborent leur lampe allumée pour recevoir l’Époux (le Christ). Elles font face à la lanterne des morts qui semble leur répondre et les imiter. Le fanal est entouré de treize colonnettes juchées sur un fût à onze colonnes.

UNE COLONNE SURMONTÉE D’UNE CROIX

On ne trouve en effet nos lanternes pratiquement qu’aux abords des cimetières, situés autour de l’église et au beau milieu des bourgs. Quand les mesures de salubrité publique du XIXe siècle les ont déplacés massivement à la périphérie des villages, le fanal qui les éclairait fut hélas plus souvent détruit qu’oublié sur place. Le terme de lanterne des morts apparaît d’ailleurs à la même époque. On lui a longtemps préféré celui de falot ou fanal (du grec phanos : flambeau).
« Colonne de pierre ronde, carrée, ou polygonale ; creuse à l’intérieur ; terminée à son sommet par un petit pavillon ajouré ; percée, à sa base d’une petite porte par laquelle on introduisait la lampe qui devait brûler à son sommet ; toujours surmontée d’une croix », résume l’abbé Leclerc dans son Étude sur la lanterne des morts (Bulletin de la société des lettres, sciences et arts de la Corrèze, 1882).

EN ATTENDANT LA FIN DU MONDE

Allumer une lampe dans la nuit du cimetière préfigure le royaume céleste : elle promet béatitude et salut aux défunts qui reposent là ; au vivant qui passe, elle manifeste la présence de Dieu. « Donnez-lui, Seigneur, le repos éternel. Et que votre lumière luise à jamais sur lui », prononce le prêtre pendant les funérailles.

La lumière, dans l’Évangile, symbolise la vigilance dans l’attente de la rédemption : « Restez en tenue de travail, gardez vos lampes allumées » (Luc 12, 35) ; « Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie » (Jean 8, 12). « Une chandelle brûlera continuellement en cette pièce (le dortoir des moines) jusqu’au matin. Les fils de la lumière doivent se tenir toujours dans la lumière », n’oublie pas d’inscrire saint Benoît dans sa célèbre Règle.

Durant des siècles, la veilleuse funèbre a eu pour but « d’admonester les vivants de prier pour les morts, et d’attirer aux trépassés dont elle s’entourait le plus grand nombre possible de prières » (Saint Augustin). La flamme qui brille sur la tombe du Soldat inconnu n’est-elle pas, aujourd’hui, la plus émouvante des formes de lanterne des morts ?

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SI LA MORT EST PERÇUE PAR LE MONDE PAÏEN COMME LE LIEU DES TÉNÈBRES, ELLE EST POUR LES CHRÉTIENS L’ENTRÉE DANS LA LUMIÈRE DE DIEU.

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