Le Linceul de Turin : faux ou authentique?

1 novembre 2018

Mgr Suaudeau

Débat. Le Linceul de Turin est-il le vrai drap ayant enveloppé le corps du Christ à sa mort? Le débat scientifique n’est pas clos, tant cet objet suscite l’intérêt des chercheurs en raison de son caractère extraordinaire. Éléments nouveaux sur l’enquête.

Le débat entre Lili Sans-Gêne et Mgr Suaudeau.

Je ne comprends pas pourquoi ce linceul est encore un sujet d’intérêt pour les chrétiens, alors qu’on sait avec certitude qu’il a été réalisé par un faussaire au Moyen Âge.

L’image corporelle portée par le suaire est unique en son genre et n’a pu être reproduite techniquement, avec tous les moyens dont on dispose aujourd’hui. On voit mal un « faussaire » médiéval arrivant à réaliser un tel « tour de force ».

Pourtant les traces de sang qu’on voit sur le suaire de Turin sont le reflet de cette époque du Moyen Âge où la piété populaire était très portée sur la Passion et les souffrances du Christ. 

Les « marques sanguines » présentes sur le suaire n’ont rien à voir avec la piété populaire, mais sont des marques objectives, qui posent d’ailleurs question à la science de la médecine légale (forensique) par leurs particularités. L’analyse microchimique de ces tâches montre qu’elles sont faites d’une substance rougeâtre disposée sur le tissu du suaire et qui a pénétré entre les fibres. Cette substance contient du fer, des porphyrines, de l’albumine et des pigments biliaires, venant de la dégradation du sang. Ce qui frappe à l’examen de ces tâches sanguines, c’est leur netteté et leur coloration rouge, que l’on n’attendrait pas de vieux caillots. La coloration pourrait s’expliquer par une charge anormalement élevée en bilirubine, causée par les sévices qui ont provoqué la mort du sujet. Par contre la netteté est inexplicable, sauf si l’on fait l’hypothèse d’un séjour très bref du corps dans le linceul, de moins de trois jours, et si l’on suppose que le corps qui était responsable de ces tâches a disparu du linceul sans le déranger.

Vous ne pouvez nier que l’histoire vient appuyer la thèse d’une fabrication médiévale : on n’a aucune trace historique du linceul avant 1357… en France ! Donc de là à l’imaginer au premier siècle en Palestine, c’est du fantasme. 

Robert de Clari, chevalier français ayant participé à la quatrième croisade a très nettement décrit un « sydoine » (suaire) « où notre Sire fut enveloppé », exposé en 1204 chaque vendredi dans l’église de Sainte-Marie-des-Blachernes, à Constantinople, qui « se tenait tout droit, si bien qu’on pouvait bien voir la figure de Notre Seigneur ». Il est possible qu’il se soit agi là de «l’image d’Édesse », trouvée dans les murailles de cette ville au VIe siècle après J.-C. et transportée à Constantinople en 944. Un peintre anonyme en a donné une représentation assez fidèle sur le Codex Pray, daté de la fin du XIIe siècle et conservé à Budapest. Par pure fidélité à l’original qu’il avait pu contempler à Constantinople, cet artiste a eu en effet soin de peindre, sur la représentation qu’il donnait du suaire du Christ, dans un dessin figurant la mise du corps du Christ au tombeau, des marques circulaires qui n’avaient en elles-mêmes aucun sens. Or on retrouve ces marques sur le suaire de Turin, où elles correspondent en fait à des traces de brûlures par cierge. Cette iconographie du Codex Pray, jointe au témoignage de Robert de Clari, montre que le suaire se trouvait à Constantinople en 1150. Théodore Ange Comnène a accusé les croisés de s’être saisi du suaire lors du sac de Constantinople et de l’avoir porté à Athènes. Le responsable du vol aurait été le chevalier Othon de la Roche, qui commandait le corps bourguignon chargé de la garde de l’église Sainte-Marie des Blachernes lors du sac. Othon aurait ensuite porté la précieuse relique d’Athènes en France, lors de son retour au pays, après 1224, et l’aurait secrètement déposée dans le château familial. Ce secret était nécessaire pour éviter que lui-même et ses descendants n’encourent les graves sanctions décrétées par le Pape Innocent III à l’encontre de ceux qui se trouvaient possesseurs illégitimes des reliques volées à Constantinople. L’arrière-petite-fille d’Othon et son héritière en ligne directe, Jeanne de Vergy, aurait pu ainsi se trouver détentrice du suaire, et le donner au chevalier et porte-oriflamme de France Geoffroy de Charny, qu’elle avait épousé en 1341. Devenu possesseur légitime du suaire, celui-ci aurait été libre de l’exposer au public dans la collégiale de Lirey, édifiée en 1353. Il y a un moyen scientifique qui permet de vérifier que le suaire a eu une existence hors d’Europe, avant 1355, et donc qu’il n’a pu avoir été « fabriqué » en Europe occidentale. Il s’agit de l’étude de l’ADN végétal (chloroplast DNA) et humain (human mitochondrial DNA haplotypes) dans les poussières présentes dans le suaire et recueillies par aspiration (Barcaccia et al., Scientific Reports vol. 5, oct. 2015). Celles-ci montrent que le suaire a beaucoup voyagé et a recueilli des débris de plantes méditerranéennes et aussi d’espèces végétales ayant leur lieu d’origine en Asie et au MoyenOrient. Par ailleurs, l’étude de l’ADN humain présent dans ces poussières confirme que le suaire a été manipulé par un nombre considérable de personnes, les unes appartenant au stock humain de l’Europe de l’Ouest, les autres appartenant au MoyenOrient, à la péninsule Arabique et au sous-continent indien. Les auteurs jugent possible la fabrication du suaire dans une manufacture indienne, puis son transport et son séjour au Moyen-Orient (Syrie), suivie d’un transport en zone méditerranéenne (Constantinople), avant son exportation vers l’Europe occidentale, et son apparition à Lirey.

La datation au carbone 14 est irréfutable, c’est le test le plus fiable de datation historique. Aucun autre élément scientifique ne peut le contredire.

Pour vérifier que la datation au carbone 14 avait donné un résultat erroné, les scientifiques ont eu recours à d’autres modes de datation, moins précis, mais qui ont une valeur comparative. Une première méthode passe par la mesure du taux de lignine/vanilline dans les fibres de lin du suaire. La lignine se perd au fil du temps dans les textiles. Si le suaire avait été produit entre 1260 et 1390, les fibres de lin du suaire devraient encore contenir de la lignine et avoir retenu 37 % de leur valinine. La disparition de toute trace de vanilline dans les fibres venant du suaire montre que celui-ci est bien plus âgé que ce qu’indiquaitle test auradiocarbone. Une autre méthode passe parles études en spectroscopie vibrationnelle (spectroscopie FTIR[Fourier Transform Infra Red spectroscopy] et spectroscopie FT-Raman) qui permettent d’établir des courbes de corrélation entre les différences de spectre etl’âge d’un tissu.G. Fanti et P. Malfi (2013), par spectroscopie FTIR-ATR (Attenuated Total Reflectance) donnent une datation de 300 av. J.-C. ±400, et par spectroscopie Raman un âge compris entre 898 av. J.-C. et 517 apr. J.-C., soit 200 av. J.-C. ±500.P.Malfi (2013), parune méthode de datation des fibres textiles à partir de leurs propriétés mécaniques, MMPDM (Mechanical Multi-Parametric Dating Method), ont trouvé que les fibres du suaire de Turin donnaient une moyenne de 372 apr. J.-C. ±400, avec un niveau de confiance de 95 %.

Je ne comprends pas cette obstination de l’Église à vouloir contredire la science en voulant à tout prix prouver la résurrection du Christ par ce simple linge.

L’Église ne cherche certainement pas à « prouver » la résurrection en s’appuyant sur le suaire de Turin pour ce faire. Elle nous présente simplement l’image du suaire comme évocatrice des sévices subis par Jésus lors de sa passion, et portant de ce fait à une profonde méditation.

Jacques Suaudeau
Prêtre du Diocèse de Grenoble, médecin, ancien research associate aux National Institutes of Health USA), et au Massachusetts General Hospital (Boston, USA), ancien officiel au Conseil Pontifical pour la famille, ancien directeur de la section scientifique de l’Académie Pontificale pour la Vie.

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