Gautier Capuçon : L’archet pointé vers le Ciel

2 septembre 2019

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Le 14 juillet dernier, il fut l’invité vedette du « Concert de Paris » donné sous la tour Eiffel devant 300 000 personnes. S’il s’est d’abord fait connaître en jouant avec son frère violoniste de 15 à 30 ans, Gautier Capuçon a pris toute sa place sur la scène musicale internationale et donne plus de 130 concerts par an ! Pour autant, ce petit-fils de garde-champêtre et de douanier a bien gardé la tête sur les épaules et le regard vers le Ciel.

PROPOS RECUEILLIS PAR CYRIL LEPEIGNEUX

Le Savoyard, originaire de Chambéry, aura 38 ans en septembre. Marié à son amour de jeunesse et installé à Paris, Gautier Capuçon est père de deux filles prénommées Fée et Sissi. Entre deux concerts donnés à l’étranger, il a pris le temps de répondre avec simplicité, authenticité et chaleur à nos questions existentielles.

Le 16 avril 2019, au lendemain de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, pourquoi avez-vous posé votre violoncelle, face à l’édifice encore fumant, pour jouer Après un rêve, de Gabriel Fauré ?

La veille, de retour d’une longue tournée américaine, je me retrouve à dîner avec ma famille et je suis alerté par les réseaux sociaux. J’allume la télévision et je vois la cathédrale en feu… Mes filles sont en larmes. C’est comme un mauvais film. Je n’en crois pas mes yeux et je pars aussitôt en courant vers Notre-Dame pour vérifier de mes propres yeux ce qui se passe. Images terrifiantes que celles de la cathédrale en feu. Je ne pensais pas que cela soit possible… Symbole pour les Français, les Parisiens, les catholiques : c’est notre maison à tous. Moi, je suis savoyard et je suis venu à Paris à 13 ans, et quand j’habitais dans le Marais, je passais devant tous les jours. Notre-Dame fait partie de ma vie, et de la voir ainsi brûler fut bouleversant. Je me sentais impuissant devant cette scène terrifiante. Pour les catholiques, c’est la foi, c’est notre maison ! La foule était là, et tout d’un coup, je me retrouve au milieu d’un groupe qui chante et qui prie ; j’ai été submergé par l’émotion et j’ai pleuré. Je me suis senti en réelle communion avec ces personnes. Le lendemain matin, à hauteur de vue de piéton, la cathédrale était toujours debout, comme si rien ne s’était passé : alors j’ai eu envie de jouer du violoncelle comme pour donner un message d’espoir afin de la reconstruire. Je vois cet incendie comme un signe : il faut que l’on se réveille, que l’on bouge. Pour la planète, pour l’écologie, pour le climat social de notre pays. Pour moi, c’est un signe de la providence pour nous rappeler que rien n’est éternel.

« Nous prions le soir ensemble avec mon épouse et nos enfants, c’est quelque chose de naturel et cela rend heureux. »

Vous êtes-vous senti plus chrétien ?

Non, pas particulièrement. En revanche, cela m’a touché au plus profond de mon être, de qui je suis, de mes racines, de mon éducation. Cela nous rappelle certaines valeurs que nous avons reçues. Ce n’est pas facile de mettre des mots là-dessus. C’est pour cela que je prends mon violoncelle afin qu’il le dise pour moi.

Vous avez reçu une éducation chrétienne. Aujourd’hui, vous vous dites chrétien ?

Ah bien sûr ! Mais je ne me dis pas chrétien, je le suis. Cela implique d’aborder la vie avec amour et bienveillance : des notions que l’on oublie trop souvent dans ce monde où l’individualisme prédomine. Je pense qu’il faudrait penser davantage à son prochain, poser des petits gestes délicats à son intention. Par delà les moments de colère, je crois qu’il serait heureux de parler de l’amour et surtout d’en donner. Et quand on en donne, on en reçoit. Que nous nous efforcions de dire les belles choses plutôt que celles qui ne vont pas. Dans notre monde, on a la critique facile, on pointe ce qui ne va pas plutôt que de parler de ce qui marche. Je pense qu’il faut dire à quelqu’un qu’on l’aime, même s’il le sait : ce sont des choses qui sont belles, à cultiver et à chérir.

Vous avez reçu un sacré talent et vous avez beaucoup travaillé pour le développer. Avez-vous l’impression parfois de « tutoyer les cieux » ?

Oui, c’est un sentiment extrêmement puisant de pouvoir s’envoler en musique, par elle et avec elle. C’est pour cela que j’en fais, même si c’est avant tout pour la partager. À l’instar de la vie qui est partage et échange. C’est comme cela que je veux voir les choses. La musique est le seul langage que l’on peut tous comprendre : il n’a pas de couleur de peau, d’idiome spécifique… C’est la puissance de la musique que de pouvoir partager des sentiments aussi intimes, d’être en communion sans se connaître. Dans ces moments de communion avec le public, on s’envole en effet. Et ce n’est pas toujours évident de se laisser aller comme ça quand on est sur scène car il faut bien des mains qui tiennent le guidon ! Ces moments de grâce durent parfois quelque secondes dans un concert et on y arrive seulement avec l’aide du public, en étant en communion avec lui.

N’êtes-vous jamais lassé de vous entraîner à jouer ?

Il existe des répétitions pour rester en forme. C’est musculaire. Et si je ne le fais pas chaque jour, je risque de me blesser. Et il y a les répétions pour apprendre de nouvelles compositions, et c’est enthousiasmant. Vous savez, la musique, c’est comme la vie, on n’a jamais fini d’apprendre ! Et les concerts se suivent, mais ne se ressemblent pas. Ils sont différents en fonction de ce que l’on vit dans la journée : chaque soir est différent.

Comment vivez-vous les moments de solitude, loin des vôtres, dans votre vie de globe-trotter ?

Ce n’est pas facile tous les jours. Il est vrai que les moments de grâce sont suivis de moments de solitude, de fatigue, de décalage horaire, de pression qui retombe. Alors oui, il y a des moments où l’adrénaline redescend. Pour moi, le sommeil, l’alimentation et le sport me permettent de ne pas trop rester dans ces états. J’ai aussi découvert la méditation il y a quelques années. C’est une forme de prière où l’on se retrouve seul et où l’on peut se remettre en question. C’est aussi dans ces moments-là que l’on peut choisir d’être positif, de croire en la vie et de croire en l’amour.

Pourquoi vous levez-vous le matin ?

Parce qu’il y a tellement de choses à découvrir ! La vie est un véritable cadeau. Même si la vie nous offre des épisodes moins gais et moins heureux… Oui, il y a des épreuves et il faut les traverser, les surmonter. J’ai vécu une grosse période d’épuisement physique il y a quelques années : le stress et la pression ont eu raison de ma résistance physique. Cela a été une période difficile, notamment parce qu’il fallait continuer à monter sur scène. J’en suis ressorti plus fort. Aujourd’hui, je le vois comme un cadeau qui m’a appris beaucoup de choses.

Quelle place donnez-vous à la spiritualité dans votre vie actuelle ?

Je lui donne une place essentielle. Être croyant, ce n’est pas juste aller à la messe le dimanche ou tous les trente-six du mois. C’est vivre tous les jours les valeurs d’amour, de respect dont nous a parlé le Christ. C’est l’attitude choisie envers soi et les autres. Mes parents nous ont donné une éducation très chrétienne et nous avons reçu beaucoup d’amour. Et avec mon épouse nous veillons à développer cela chez les enfants : c’est notre rôle de parents de garder les yeux de nos enfants ouverts sur cette réalité. Nous prions le soir ensemble comme quelque chose de normal, de naturel, sans nous forcer. Et cela rend heureux.

 

SON DERNIER ALBUM

SCHUMANN (Erato, janvier 2019)

Composé d’enregistrements en public du festival Progetto Argerich de Lugano avec Martha Argerich et Renaud Capuçon, et d’un concert donné au Concertgebouw d’Amsterdam avec Bernard Haitink et l’Orchestre de chambre d’Europe. Un album illustré par la photographe américaine Jamie Beck, qui puise dans l’univers romantique et passionné du XIXe siècle de Robert Schumann.

 

 

 

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