ALEXANDRE ET SONIA POUSSIN : AU RYTHME DES ZÉBUS

30 janvier 2020

01 Poussin

En quatre ans de voyage autour de l’Île Rouge, ils ont levé pas moins de 400 000 € au bénéfice de trente-trois projets, portés par les missions, catholiques ou laïques, les plus efficaces et les plus proches du terrain, dont 20 000 € pour la seule association du père Pedro, qui a accueilli le pape François à Madagascar en 2019. Alexandre et Sonia Poussin ont fini par rentrer et nous racontent leur épopée, au coin du feu, au creux d’un vallon scintillant de verdure…

PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

 

Vous êtes rentrés l’année dernière après quatre ans d’absence, au terme d’un voyage hors du commun, en famille, à Madagascar. L’aventure ne vous manque pas ?

Alexandre : Ce qui était fabuleux, pendant ces quatre ans, c’était d’être toujours ensemble. Nous avons vécu quatre ans, à quatre, dans quatre mètres carrés ! Notre foyer, c’était une petite tente.

Sonia : C’est justement ce qui manque le plus à nos enfants : ces activités que nous faisions le soir en famille pour échapper aux moustiques – et au palu- disme ! – sous la tente, dès la nuit tombée : la couture, le tri des photos, le dîner, les jeux, un demi-film…

Ce voyage a dû vous demander de faire des sacrifices et un gros investissement ?

S. : J’avais mau- vaise conscience de priver les enfants de leur sco- larité, mais ils ont gagné une telle maturité pendant le voyage ! Ils ont des considérations d’adultes, du vécu. On les a sevrés numériquement pendant quatre ans et ça ne pouvait pas leur faire de mal.

« Nous avons vécu une école de la patience »

A. : Le loyer de la maison payait l’emprunt ici et le séjour là-bas. Pas de contrainte médiatique, pas de sponsor : une charrette – le moyen de trans- port traditionnel – et des zébus pour la tirer. Notre démarche était avant tout missionnaire : apprendre la langue, la culture, les traditions et comprendre les problématiques des habitants afin de pouvoir mieux les aider. Notre entreprise était ambitieuse et presque impossible, mais le temps était notre atout, la faiblesse et la vulnérabilité d’un voyage en famille sont devenus une force. Comme disait saint Paul : « C’est parce que je suis faible que je suis fort. » Notre carburant, c’était l’amour. Nous avons vécu une école de la patience : on ne peut pas aller plus vite que les zébus et ils décident quand ça s’arrête. Nous vivions aux rythmes naturels, anciens.

Une forme d’inconscience ?

A. : Pas d’inconscience , mais d’insouciance calculée. Nous avons traversé des zones interdites, croisé des bandits, des voleurs de zébus, on est tombé dans des embuscades… Une famille en voyage c’est plus lent, plus compliqué, il y a plus de risques et d’angoisses, mais c’est plus fort. Les Malgaches ne voient jamais de familles faire du tourisme en brousse ! Nous étions rarement seuls. On se fiait aux gens que nous croisions et qui se proposaient de nous escorter, de nous guider, tout en restant modestes et discrets. C’est parce que nous étions une famille que nous avons gagné la confiance des habitants et l’amour incroyable du peuple mal- gache, et ce n’était pas gagné, vu le ressentiment qui peut encore persister envers l’époque coloniale…

Une promenade de santé en somme !

A. : Un vrai Camel Trophy, oui ! Avec des fleuves à franchir par centaines, des zébus emportés par les eaux, des réparations incessantes, des ponts à bâtir au-dessus de précipices…

S. : Pourtant, les enfants ont tout traversé avec une joie et une énergie incroyable. On a vu nos limites mais pas un instant les leurs : ils ont marché pieds nus pendant quatre ans ! On était heureux, nous n’avons jamais regretté. Jamais les enfants n’ont dit « stop ».
Notre voyage a pourtant manqué de fluidité : ne jamais pouvoir rouler tranquille, toujours un obstacle à franchir, une rivière à traverser, c’était très dur. Il fallait ménager le moral des troupes ! 
Plus tu t’enfonces dans un pays enclavé et moins tu as de recours, tu ne peux pas dire « pouce ».

« Nous sommes passés par des zones où nous n’avons rien trouvé à manger pendant deux mois, ni un œuf ni du riz, rien ! »

Le climat était très éprouvant et les contrastes ini- maginables : des plateaux glacés dignes du Tibet aux jungles équatoriales fleuries d’orchidées, en passant par des steppes mongoles… Le pays profond n’est plus innervé par l’administration : pas un repré- sentant de l’État ni un prêtre ni un professeur ni un médecin ni une sage-femme depuis vingt-cinq ans dans certains coins. Partout nous avons été accueil- lis avec une bienveillance extraordinaire.

Et Dieu dans tout ça ?

S. : Le voyage est propice à l’épanouissement de la foi. Bien plus qu’au quo- tidien ici. Pourtant, notre vie n’était que routine : déplier la tente, sortir les bagages, faire l’école, marcher… Mais nous étions connectés au « wifi spirituel ». Je prie beaucoup lorsque je suis assise à moto derrière Alexandre, surtout pour ne pas avoir d’accident ! Là-bas, on priait pour les autres, pour demander des grâces et de l’aide pour ceux que l’on aime. On s’oublie, comme les moines dans leur monastère, on ne pense plus qu’aux autres.

« À l’approche des Tsingys de l’Ankarana nous avons déjà plus de 4 500 km au compteur avec notre charrette Fanantenana (Espérance), mais marcher aide toujours à trouver la porte étroite ! » Alexandre Poussin

Et votre couple ? Avez-vous accompli ce voyage pour vous offrir du temps à tous les deux ?

S. : Sans la moindre intimité – quatre ans dans la même tente que nos enfants – , nous nous sommes plus tournés vers eux que vers nous…

A. : Je crois qu’un des carburants de notre couple fut l’admiration réciproque. Mon admiration sans borne pour Sonia, toujours propre, tirée à quatre épingles, joyeuse et gaie, gracieuse, s’occupant des enfants, , se souciant des gens qui marchaient avec nous, du déjeuner, alors que nous vivions dans la boue et les privations… La voir marcher était un spectacle qui comblait mon cœur. Je poussais la charrette et je la regardais marcher avec son grand chapeau et parler toute la journée, cela me ravissait. Nous avons appris à nous nourrir de regarder un feu, à profiter de la halte, assommés de fatigue. Nous avons vécu pendant quatre ans la frugalité heureuse.

S. : Quand j’ai rencontré Alexandre, je n’ai pas compris ce qu’il entendait par « admirer l’autre » ; pour moi c’était inconditionnel : tu aimes, c’est tout. Pendant le voyage, il m’a bluffée dans ses capacités d’adaptation, à toujours trouver une solution à tout. J’aurais abandonné, jeté l’éponge. Je suis résistante, résiliente, mais pas jusqu’au-boutiste !

Cela vous a pesé de ne pas vous retrouver seuls un instant ?

A. : Nous avons vécu d’une intimité différente, peut-être pas charnelle mais en com- munion avec nos enfants et avec un pays. C’est ça être une famille : tu mets les aspects charnels de côté. De toute façon, en « mode survie », tu n’y penses même pas. Tout ce qui fait que les couples éclatent aujourd’hui, c’est que monsieur travaille d’un côté et madame de l’autre. Avec ta femme, tu ne gères plus que les problèmes du quotidien, tu te disputes le soir et tu te confies pendant la journée à tes collègues qui sont vachement plus sympas et ne te posent pas de problèmes – alors que la vie de couple ne serait pas plus facile avec eux – et pendant ce temps, tu ne t’occupes pas de tes enfants et de ta relation. La vie moderne, avec ses écrans, fait éclater les couples. Durant notre voyage, nous avons partagé une plus grande inti- mité que jamais, à tous points de vue : intellectuelle et spirituelle, mais un peu moins charnelle, c’est vrai… Ça n’a pas été quatre ans d’abstinence, mais une vie complète, naturelle, presque parfaite.

LEURS FILMS

MADA TREK
(Gedeon programmes, 2019)
Les 16 épisodes et le film de 52′ de leurs aventures en six DVD et un beau coffret. Alexandre et Sonia Poussin nous emmènent à la découverte de
Madagascar : une épopée de quatre ans et 5 000 km à pied et en famille, avec une charette à zébus pour porter les bagages. Le récit en images du grand tour de l’Île Rouge en compagnie de leurs deux enfants, Philaé et Ulysse.

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